Jean-Marc Gaillard, éternel junior !

Publié le 11 janvier 2021 par Pascal Boutreau

Ce dimanche, la montée de Val di Fiemme, en Italie, a conclu le Tour de ski, le mini circuit qui anime le monde du ski de fond chaque année lors des premiers jours de janvier. J'avais eu le plaisir de couvrir l'événement à mon époque L'Equipe. Le Français Maurice Manificat a pris cette année une superbe deuxième place. Ce qui m'a donné une idée.

Un peu de recyclage donc avec ce papier écrit il y a deux ans maintenant pour le kiosque SFR (je l'ai évidemment actualisé avec les bonnes statistiques et quelques modifications). J'y dressais le portrait de Jean-Marc Gaillard, présent en équipe de France de ski de fond depuis bientôt 20 ans ! Plus que le champion, un mec en or, un mec qui vous demande tout de suite de vos nouvelles quand, après plusieurs années, vous l'appelez tout en vous disant qu'il vous a probablement oublié depuis tout ce temps. Eh bien non, car avec ces champions, au-delà du sport, c'est bien de l'humain qu'il s'agit. Voilà ce qu'il me disait il y a deux ans (actualisé mais toujours je pense d'actualité). 

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Jean-Marc Gaillard fait de la résistance

A 40 ans, Jean-Marc Gaillard participe toujours au circuit de la saison Coupe du monde de ski de fond. Avec toujours l’enthousiasme d’un junior… ou presque.

Inutile de chercher quelqu’un pour émettre le moindre commencement de critique sur Jean-Marc Gaillard. Perte de temps assurée. « Jean-Jean », son surnom, est de ceux qui font l’unanimité. Il est de ces sportifs respectés par ses résultats sportifs bien évidemment mais surtout, et peut-être même avant tout, par sa personnalité attachante, l’incarnation du « type bien ».

En fin d’année 2020, avec l’équipe de France de ski de fond, le fondeur du Pays Rochois (Haute-Savoie), a posé ses valises et ses skis dans la très huppée station suisse de Davos. Il y a entamé sa saison sur le circuit Coupe du monde avec une 19e place sur le 15 km libre, dix-neuf ans après la première de ses 295 courses sur le circuit. C’était le 8 décembre 2001, à Cogne, en Italie. Il y avait alors pris une 80e place sur le 10 km classique, à près de deux minutes du Norvégien Anders Aukland, vainqueur du jour. Dix-sept ans au plus haut niveau pour celui qui a fêté ses 38 ans le 7 octobre dernier, avec notamment quatre Jeux olympiques (2006, 2010, 2014 et 2018) et sept Championnats du monde depuis 2005 (la compétition n’a lieu que tous les deux ans).

Retour donc sur ce circuit de la Coupe du monde. Une fois de plus. Avec les mêmes décors, les mêmes pistes et souvent les mêmes hôtels. « Il y a forcément une certaine routine, consent-il. Mais j’ai toujours préféré voir le verre à moitié plein. Et c’est une chance de pouvoir vivre de notre passion. Je suis très heureux d’avoir eu cette chance et de pouvoir l’avoir encore. Au retour des Jeux olympiques l’hiver 2018, j’en ai quand même discuté avec ma famille (il a deux enfants, Lois et Charlie avec son épouse Gaétane). Mais ça nous a semblé assez naturel de repartir. » Avec toujours la même envie ? « Chaque début de saison c’est pareil. On a un peu l’impression de repartir de zéro. Il y a une petite boule au ventre avant le départ avec l’envie de bien faire. Ce sont ces sensations qui me donnent envie. »

Qualifié de « baromètre du groupe », par François Faivre, le chef d’équipe des Bleus du ski de fond, celui « qui tient la baraque » selon Vincent Vittoz, champion du monde 2005 en poursuite et aujourd’hui à la tête de l’équipe de France de biathlon, ou encore celui qui « résiste à tout », et « le moteur » pour ses deux coéquipiers Maurice Manificat et Clément Parisse (source : Ski Chrono), Jean-Marc Gaillard a conservé tout son appétit. Vainqueur d’une étape de Coupe du monde sur 15km (7 podiums au total), à Liberec (République tchèque), en février 2008, le membre de l’équipe de France des Douanes n’a jamais su s’économiser, enchaînant les courses, quel que soit le style ou la distance. « J’essaie d’être complet, cela me permet d’être meilleur sur les deux techniques, explique-t-il. Je trouve qu’elles sont complémentaires. »

Parmi les dates cochées dans son calendrier, les jours de relais. « Le relais a beaucoup de valeur pour la France, confirme Gaillard. Nous y avons une tradition. On sait que nous sommes capables d’y briller même si, individuellement, nous ne sommes pas forcément parmi les meilleurs. Le relais nous transcende. Et si une ou deux équipes majeures sont un cran en-dessous, nous sommes là. » Les Bleus l’ont prouvé à plusieurs reprises par le passé. Après un historique premier succès en Coupe du monde, en février 2004 sur le plateau des Confins de La Clusaz, devant un public qui s’était mis à entonner une Marseillaise en voyant Emmanuel Jonnier franchir la ligne d’arrivée, le drapeau tricolore dans la main, les Tricolores ont souvent réussi à s’immiscer dans la lutte entre Norvégiens, Russes, Suédois, Finlandais ou encore Allemands, nations phares de la discipline. Gaillard fut souvent de la fête. Notamment lors des deux médailles de bronze olympiques, en 2014 à Sotchi (avec Maurice Manificat, Robin Duvillard et Ivan Perrillat Boiteux) puis en 2018 à Pyeongchang (avec Maurice Manificat, Clément Parisse et Adrien Backscheider) ou encore lors des Mondiaux 2015 à Falun (à nouveau en bronze), associé à Manificat, Duvillard et Backscheider.

« J’ai envie d’en profiter »

Jean-Marc Gaillard est le patriarche d’une équipe de France dont la plupart des membres appartiennent à une autre génération. « Je pourrais presque être le père de certains, rigole-t-il. Il commence à y avoir un sacré décalage. Évidemment, ils n’ont pas les mêmes préoccupations que moi, mais on a le même langage. Chacun a à apprendre des autres en prenant à gauche et à droite. Ça fait du bien de les voir tout feu tout flamme. J’essaie de leur transmettre un peu de mon expérience, notamment sur l’approche de la compétition. C’est positif dans les deux sens. J’ai l’impression de bien vivre dans ce groupe. On a une belle génération. Je les envie un peu aussi. Ils sont à l’orée de leur carrière alors que moi, je vis mes dernières années. Alors j’ai envie d’en profiter. »

La retraite ? Une idée encore très floue

Ne comptez pas sur lui pour mettre en avant sa longévité. Pas dans le style de la maison. « Ce n’est pas une fierté, relativise-t-il. Les années passent tout simplement. Quand j’ai commencé et que je voyais un mec de 40 ans, ça me semblait être un ancêtre. Alors je comprends le regard des autres. C’est juste que je ne vois pas le temps passer. Je m’éclate. La discipline n’a pas fondamentalement changé. Ça va juste un peu plus vite qu’il y a 15 ans avec des techniques d’entraînement qui ont un peu évolué. Mais comme dans tous les sports. Je me sens encore capable de faire de bons résultats alors que je n’ai pas énormément progressé. Bien sûr, il faut aimer le goût de l’effort. Et comme je ne fais pas partie des tout meilleurs, il y a souvent plus de déceptions que de satisfactions. Mais j’aime encore aller à l’entraînement, me faire mal pendant les courses. » De quoi voir encore un peu plus loin que la fin de cette saison ? « Je ferai le point au printemps, disait-il, à l’amorce de la saison il y a deux ans. On verra où j’en suis au niveau de la lassitude physique et mentale. Mais ça se pourrait bien que cette fois ce soit la dernière. En tout cas sur le circuit Coupe du monde. Par contre, j’aimerais bien aller sur les longues distances avec des belles courses comme la Vasaloppet (90 km, en Suède) ou la Marcialonga (70 km, en Italie). Le circuit prend de l’ampleur et le niveau y est aussi relevé. Il faut être bien entraîné pour y être performant. Même si on se prend moins la tête, ce n’est pas une pré-retraite. » Deux ans plus tard, Jean-Marc skie toujours sur le circuit Coupe du monde. Retraite : un mot qui ne semble pas encore à l’ordre du jour. L’homme est plein de ressources. Et surtout passionné par son sport. En février 2018, en Corée du Sud, à l’issue du 50 km des JO, Gaillard avait confié son émotion à l’idée d’avoir disputé sa dernière course olympique. Comme il l’avait fait quatre ans plus tôt à Sotchi… Et les Jeux de Pékin ne sont plus que dans une petite année…