Les vrais poètes sont soudains :
ils naissent et dénaissent, ils disent
mystère et sont mystère, ils sont des enfants
en croissance tenace, ils entrent
et ressortent intacts de l’abîme, ils rient
avec l’insolence de 15 ans, ils se lancent
dans le vide depuis la jetée sur les rochers
funestes de l’océan sans
peur de la peur, le danger
les fascine.
Ils aiment et irradient, ils parient
sur l’être, uniquement sur l’être, ils ont mille yeux
et mille oreilles aussi, mais
ils les gardent dans leur crâne musical, ils flairent
l’invisible au-delà du nombre,
la vaticination les assiste, ils sont
allégresse et brûlent d’allégresse.
À l’extase
ils préfèrent le sacrifice, ils donnent leurs vies
pour d’autres vies, ils vont au front
en chantant, à tous
les fronts, à l’abîme
par exemple, à celui de l’intempérie anar,
jusqu’au martyre, aux tempêtes
de l’amour, Rimbaud
les enflamme :
«Elle est retrouvée
Quoi ? L’ Éternité » .
Mais l’Éternité, c’est cela même.
*
Los verdaderos poetas son de repente
Los verdaderos poetas son de repente:
nacen y desnacen, dicen
misterio y son misterio, son niños
en crecimiento tenaz, entran
y salen intactos del abismo, ríen
con el descaro de los 15, saltan
desde el tablón del aire al roquerío
aciago del océano sin
miedo al miedo, los hechiza
el peligro.
Aman y fosforecen, apuestan
a ser, únicamente a ser, tienen mil ojos
y otras mil orejas, pero
las guardan en el cráneo musical, olfatean
lo invisible más allá del número, el
vaticinio va con ellos, son
lozanía y arden lozanía.
Al éxtasis
prefieren el sacrificio, dan sus vidas
por otras vidas, van al frente
cantando, a cada uno
de los frentes, al abismo
por ejemplo, al de la intemperie anarca,
al martirio incluso, a las tormentas
del amor, Rimbaud
los enciende:
—Elle est
Retrouvée. Quoi? L´Eternité.
Pero la Eternidad es esto mismo.
***
Gonzalo Rojas (1917-2011) – Nous sommes un autre soleil (Orphée/ La Différence, 2013) – Traduit de l’espagnol (Chili) par Fabienne Bradu.