Christine Dupouy
Emily Dickinson, Cent dix-sept poèmes, traduits de l'américain par Philippe Denis, La Dogana, Genève 2020, 152 p., 25 euros.
L'eau est révélée par la soif -
La terre - par les océans franchis -
La joie - par les affres -
La paix - par les récits de batailles -
L'amour - par la tombe fraîche -
Les oiseaux - par la neige. (p. 27)
*
Entre ses pattes imperceptibles
L'araignée tient une pelote d'argent -
Et tout en esquissant un pas de danse
Elle dévide son fil nacré -
Du néant au néant courait la navette -
Activité arachnéenne -
Qui supplante en un rien de de temps -
L'art de nos tapisseries -
Une heure pour porter à la perfection
Ses continents de lumière -
Puis - ses frontières délaissées -
Ondoyer au bout du balai de la ménagère - (p. 59)
*
La moindre abeille qui brasse une goutte de miel
Amplifie l'été -
Fière que son labeur modeste ajoute
A la masse ambrée. (p. 64)
*
Une mer calme léchait les murs de la maison
Une mer d'un temps estival
Et l'esquif magique s'élevait et plongeait
Voguait à vue -
L'officier de bord était un papillon
Le timonier une abeille
Et l'univers entier
Etait en grand arroi - (p. 98)
*
Heureux le petit caillou
A l'aventure sur la route,
Insouciant des carrières
Ignorant les contraintes -
Son habit de brun élémentaire
L'univers l'endosse au passage,
Et libre comme le soleil
Il s'associe ou brille seul,
Accomplissant en toute simplicité
Un décret absolu - (p. 111)