Sournoise, acharnée, hideuse avec sa tête d'insecte, elle est la douleur.
En soixante-cinq textes, condensés, sans un mot de trop, d'une grande finesse, Damien Murith fait dans Le deuxième pas l'anatomie de la douleur, dès le premier pas du matin.
La douleur, quand nous l'éprouvons, nous fait peur. Nos proches la devinent, puisqu'elle est invisible. La colonne brisée de Frida Kahlo nous fait cependant penser qu'elle n'est pas laide...
La douleur, ses attentes, ne nous donnent pas envie de vivre, mais de pleurer, de parler de la profondeur de nos blessures, alors que nous ne devrions pas nous plaindre: Il y a pire.
Pour la faire cesser, il faudrait un miracle, notre espoir. Pour ne pas nous perdre en explications, nous mentons aux autres quand ils nous demandent comment nous allons bien.
Pourtant est-il possible de leur cacher que l'hôpital est notre résidence secondaire, que, pour le véhicule de nos âmes, le corps, le choix, comme le mouvement est un luxe?
La douleur nous offre des répits, mais c'est pour revenir, parce qu'elle est chronique. Alors, le salut se trouve dans le passé, notre terre, où nous semons les graines de notre futur.
On dit que les grandes douleurs sont muettes. Bien qu'invisibles et indicibles, les autres les comprennent parce que leurs mots pendent misérables tout au bout de nos yeux:
Les yeux de la souffrance parlent toutes les langues.
Tout cela n'est guère rassérénant et, pourtant, les graines du futur ayant été semées, celui-ci est bien présent dans les derniers textes de cette anatomie, qui ne peut être remède:
Au pied des hauts sommets, la douleur en bandoulière, nous retournerons chercher notre dignité. Car la dignité n'est pas la capacité de faire. Elle est l'éclat du regard, la fraîcheur du verbe.
Elle est le désir de vie.
Francis Richard
Le deuxième pas, Damien Murith, 80 pages, Labor et Fides
Les trois volets du Livre des maudits de Damien Murith sont parus à L'Âge d'Homme:
La lune assassinée, 112 pages (2013)
Les mille veuves, 104 pages (2015)
Le cri du diable, 120 pages (2017)