"Nos
contemporains sont incessamment travaillés par deux passions ennemies:
ils sentent le besoin d'être conduits et l'envie de rester libres. Ne
pouvant détruire ni l'un ni l'autre de ces instincts contraires, ils
s'efforcent de les satisfaire à la fois tous les deux. Ils imaginent un
pouvoir unique, tutélaire, tout-puissant, mais élu par les citoyens. Ils
combinent la centralisation et la souveraineté du peuple. Cela leur
donne quelque relâche. Ils se consolent d'être en tutelle, en songeant
qu'ils ont eux mêmes choisi leurs tuteurs. Chaque individu souffre qu'on
l'attache, parce qu'il voit que ce n'est pas un homme ni une classe,
mais le peuple lui-même, qui tient le bout de la chaîne. Dans ce système, les citoyens sortent un moment de la dépendance pour indiquer leur maître, et y rentrent. Il
y a, de nos jours, beaucoup de gens qui s'accommodent très aisément de
cette espèce de compromis entre le despotisme administratif et la
souveraineté du peuple, et qui pensent avoir assez garanti la liberté
des individus, quand c'est au pouvoir national qu'ils la livrent. Cela
ne me suffit point. La nature du maître m'importe bien moins que
l'obéissance." Alexis de Tocqueville. De la Démocratie en Amérique, Vol. II, Quatrième partie, Chap. VI.cité parLuc-Antoine Marsily dans "Révélation COVID"