2020 se termine sur 21 saisons et 156 films visionnés, et 159 textes au compteur.
2020 (et ses confinements) auront surtout permis d’atteindre (et de dépasser) des chiffres ronds : 150 séries différentes, 3000 films, 2000 livres.
Pour les séries :
– Dans le daubesque à souhait, « Condor » (qui prétend revisiter le classique « Les 3 jours du Condor » avec Redford – ou 6 jours dans sa version bouquin) et « Jack Ryan » (qui reprend donc le personnage de Tom Clancy). C’est cliché, ça pète dans tous les sens à outrance, bourré d’incohérences, et tellement patriotique par moments que ça en devient vomitif.
– Mitigé avec « Kidnapping » (Rampling en fait trop par moments, mais elle donne aussi un cachet très fort à la narration), la fiction inspirée de l’affaire du même nom « Laëtitia » (cette position à mi-chemin de la fiction, et le fait d’être inspiré du bouquin dont j’avais trouvé la démarche dégueulasse de Jablonka n’aident pas à convaincre totalement), et la dernière saison de « Tunnel » qui n’aura jamais réussi à décoller alors que le duo Clémence Poésy et Stephen Dillane fonctionne à merveille (et le final est d’autant plus problématique alors que le personnage joué par Clémence Poésy est ce qui fait qu’on reste attaché à la série face à des intrigues globalement – très – mauvaises). « His dark materials : A la croisée des mondes », mitigé encore, avec un syndrome british (qu’on retrouve sur la série « Sherlock » notamment : les plans cinématographiques sont nuls, y a une volonté made in BBC de faire des plans plats, mal cadrés, et quelque part comme une marque télévisuelle britannique), et une sensation de ne pas être assez fidèle à ce que j’ai lu et aimé dans les bouquins de Pullman (mon imaginaire n’arrive pas à se convaincre de la fidélité de la retranscription).
– « Hernan », une série sur l’expédition de Cortés au Mexique. C’est kitsch par moments, splendide dans la reconstitution à d’autres, le manque de moyens saute aux yeux ici ou là, mais il y a une telle volonté de restituer le Mexique de la conquête qu’on ne peut que se laisser charmer. Et Oscar Jaenada réduit à des rôles inutiles dans le dernier « Rambo » ou dans « Oro », trouve ici de quoi marquer par son charisme, de même qu’Ishbel Bautista pour lui donner la réplique dans le rôle clé de Malinche.
– Côté documentaires, du criminel Netflix, encore, toujours de qualité, avec « Evil genius » et « Tiger King » (merci F-X !). Egalement le triptyque « 13 novembre : Fluctuat Nec Mergitur », sobre et pertinent.
– Une belle découverte bourrée de clins d’oeil aux références incontournables des années 1970-1990 (Spielberg, Dante ou Carpenter, entre autres), « Stranger Things ». « Watchmen », prolongation très intéressante à la BD (ou au film, lui-même très fidèle à la version dessinée) plusieurs décennies après, passé un premier épisode très déconcertant, la suite est prenante, avec quelques facilités finales…
– Deux finals français de haut niveau, « Le bureau des légendes », avec cette saison 5 bien meilleure que la précédente (la 4 m’a profondément déçue – même si côté narratif, c’est l’axe des trois premières qui reste indéniablement le plus pertinent, la suite ayant un côté remplissage). Et forcément « Engrenages » 8 (même s’il est question de prolonger la série d’une façon ou d’une autre), où le syndrome se répète d’une intrigue qui ne marque pas tant que ça, mais avec des personnages superbement écrits et qui font à eux seuls l’axe narratif central et le plaisir de suivre cette série.
Du côté des films :
– Beaucoup (trop) de daubes ou de films oubliables. « Ad Astra », visuellement beau, gargantuesquement vide. Des adaptations de Stephen King nulles à souhait, « Ca : Chapitre 2 » ou encore le récent « Simetierre ». « The Experiment », où Adrien Brody et Forest Whitaker au plus bas. L’un des premiers Clint Eastwood derrière la caméra, « Firefox, l’arme absolue », une erreur/horreur narrative. « Rambo V : Last Blood » – Stallone fait du Steven Seagal, et parvient peut-être à faire pire encore… Un moment de souffrance avec « Twilight », pour essayer de comprendre le succès des films à l’époque et me résigner face au côté érotisme pour ados et enjeux inexistants. Les daubes récentes de Guillaume Canet, que ce soit « Nous finirons ensemble », insupportable dans son côté bobo faussement larmoyant par instants et aux personnages qui ne parviennent pas à être touchants à force d’être égoïstes, et pire encore son « Rock’n Roll » qui m’a décoché un sourire en tout et pour tout…
– Du documentaire comploteux (à regarder entre potes, ou avec beaucoup de bières), trio gagnant tout aussi mauvais les uns que les autres, « Le tertre sacré » (sur les pitis zhumains modifiés par des pitis zaliens), « Raqchi – Rencontre avec un peuple des étoiles » (sur des pitis zaliens qui viennent visiter une pitite Inca qui dodeline de la tête pour mimer les zaliens) et « M et le 3ème secret » (ça sonne comme un Blake et Mortimer, ça raconte des pitis communistes franc-maçons infiltrés au Vatican et c’est fait par le réalisateur de « Hold-Up » en prime). A fuir donc, ou à regarder bourré (mais méchant hein, l’abus d’alcool aide dans ce cas). Merci le Café de Gollum pour ces moments de rire (et d’un peu de désespoir aussi, il faut avouer).
– Des films qui offrent des promesses au début et se cassent la gueule, « Cloverfield 2 » notamment. « La La Land », plein de chouettes choix de mise en scène, mais qui m’a tenu à l’écart tout du long. « Hors normes » du duo Toledano-Nakache, qui ne raconte rien sur sa durée mais se contente de scénettes, et du coup qui ne fonctionne pas. « Les figures de l’ombre », très sympathiques mais assez vite oublié. « Ne t’endors pas », faux film d’horreur qui ne remplit pas les espoirs qu’il suscite. Un faux documentaire extrêmement acide sur la politique américaine (et Nixon en particulier) de l’époque « Punishment Park », ça a pris un violent coup de vieux néanmoins.
– Pas mal de documentaires, ceux d’Arte (directement sur YouTube pour une bonne partie) sur Yul Brinner, Charles Bronson, Sergio Leone ou encore Jimi Hendrix, ou des Making of, en particulier celui consacré à « Abyss », « Under Pressure ». Une plongée dans le Cambodge khmer rouge, avec « Duch, le maître des forges de l’enfer ». Le diptyque sur l’armée américaine en Afghanistan, « Restrepo » et « Korengal ». Semi-documentaire jouant un peu dans la fiction, « L’île au trésor » de Guillaume Brac, surprenant. « In the absence », un documentaire coréen sur le naufrage du Sewol, glaçant et terrible quant au traitement médiatique et politique du drame.
– Du polar classique, et diablement efficace, « The Driver » de Walter Hill. « Le solitaire » de Michael Mann, où l’on sent déjà poindre « Heat », c’est très fort et la ville nocturne est superbement employée. Un grandiose face à face entre Lino Ventura et Michel Serrault dans « Garde à vue ». Plus récent, « Une nuit », ballade nocturne parisienne véreuse d’un flic campé par un génial Roschdy Zem (comme souvent avec lui).
– Des films avec de Funès que je n’avais pas vu jusqu’ici, « Faites sauter la banque ! » (très bon moment), « Jo » (vaudevillesque à souhait), « Hibernatus »
– Des choses intéressantes, mais qui laissent un goût incomplet ou inachevé, « Birdman » d’Alejandro González Iñárritu par exemple, qui tient du coup de génie par moments, mais qui ne fonctionne pas si bien sur la durée. « Coco », avec des visuels mexicains très efficaces, mais peu surprenant finalement. « Dark waters », essentiel par son scénario et l’histoire réelle derrière, terriblement plat dans sa mise en scène. Une expérimentation visuelle et narrative surprenante, « A ghost story ». « Le Mans 66 », plein de bonnes choses, mais un brin bâclé en final (merci Soukaina !). Une relecture de Peter Pan avec le « Wendy » de Zeitlin, dont on retrouve la patte qu’il avait marqué sur son précédent « Les bêtes du Sud sauvage » – sa façon de filmer, très dynamique et contemplative à la fois, très enfantine mérite le détour, et les gamins du casting participent du charme de l’ensemble, marqué par la noirceur de l’oeuvre d’origine. Deux très bons rôles de Jake Gyllenhaal (c’est souvent le cas, il sait choisir ses films), « Night call » et « Nocturnal animals », mais où quelque chose reste en suspend. « Tenet » de Nolan, l’un des rares films vus en salle cette année – ça fonctionne, mais l’explication trop tardive et trop rapide de l’idée maîtresse nuit complètement à la structure du film et à son efficacité.
– Du très bon, avec Spike Lee de retour en force avec « BlacKkKlansman – J’ai infiltré le Ku Klux Klan », qui rappelle par instants ses fulgurances de « Summer of Sam ». Le « Snowden » signé Oliver Stone, avec Joseph Gordon-Levitt pour camper Edward Snowden de façon efficace. « Wedding nightmare », faux film d’horreur dans la tendance renversement des codes et foutage de gueule (comme précédemment avec des films comme « Get Out » ou « Ne coupez pas ! »). « Camille », portrait touchant de la photographe Camille Lepage tuée en Centrafrique, avec un regard complexe sur la complexité du pays. Autre très bon film français, « Les Eblouis », sur le milieu sectaire chrétien (et un superbe jeu de Camille Cottin). Deux films de Céline Sciamma avec Adèle Haenel devant la caméra, « Naissance des pieuvres » (intéressant, mais dispensable) mais surtout « Portrait de la jeune fille en feu », extrêmement fort. « La Llorona », film politique-fantastique guatémaltèque – ça a un arrière-goût de Maupassant appliqué à la dictature de Ríos Montt, et c’est assez génial.
– Incontournables : le documentaire qui reprend et retravaille des images d’archives pour un déroulé haletant vers la lune, « Apollo 11 », une perle, on a beau savoir que la mission est une réussite, on tremble devant la beauté de la mise en scène, le rythme époustouflant. « Dogville », enfin visionné, bluffant dans ses choix et son efficacité.
Bon, et pour les bouquins alors ?
– Le nombre de lectures est élevé, mais il est constitué par un très grand nombre de textes courts. Avec de la poésie d’abord, avec de nombreux textes d’Anna Akhmatova (à force d’écouter les textes de Thiéfaine, qui renvoient sans cesse à la littérature). La poésie de Roberto Bolano également (« Les chiens romantiques »).
– Tout un tas de courts textes proposés par Gallimard (le format « tracts ») pendant le premier confinement, parfois insipides, parfois extrêmement pertinents. A retenir pour Claire Fercak par exemple, Pascal Ory ou encore René Frégni (qui signe ailleurs un très intéressant « Carnets de prison ou L’oubli des rivières »).
– Polar ou apparenté, forcément. Daubesque d’abord, avec le minable « Cari Mora » de Thomas Harris, incapable de pondre le moindre texte intéressant depuis son « Hannibal » de 1999. Inversement, Tony Hillerman qui signe les textes de « Le grand vol de la banque de Taos », recueil extrêmement intéressant. Et, sympathique, « Tous les Mayas sont bons » de Donald Westlake. A la limite du polar, du témoignage et du document historique, « L’armée des ombres » de Joseph Kessel (dont le superbe film éponyme est une retranscription très fidèle). « La Daronne » d’Hannelore Cayre, qui réserve quelques bons moments malgré un rythme hésitant. Les réflexions sociales (pour partie répétées de phrases réelles tenues durant la contestation des gilets jaunes) de David Dufresne dans « Dernière sommation ». Découverte du duo suédois Sjöwall et Wahlöö (merci Christophe !) dont j’ai enchaîné en moins d’une dizaine de jours les trois premiers romans, « Roseanna », « L’homme qui partit en fumée », « L’homme au balcon » (la puissance du réalisme est parfaitement ficelée à partir de ce dernier, et il y a encore 7 romans signés à quatre mains après ceux-là). Les textes journalistiques de l’incontournable géant James Ellroy « Reporter criminel ». Journalisme toujours, avec les travaux de Denis Robert sur l’affaire Grégory, « L’affaire Grégory Villemin – Le roman vrai de la Vologne ».
– Des textes en rapport avec les attentats, les réflexions d’Arthur Dénouveaux et Antoine Garapon, « Victimes et après ? ». Le « Journal d’un rescapé du Bataclan – être historien et victime d’attentat » de Christophe Naudin, pas aussi pertinent du fait de son format brut, et forcément qui conduit à une lecture critique du fait de certaines positions politiques de l’auteur vis-à-vis de certaines personnalités, positions qu’il ne prend pas toujours le temps d’expliquer (du fait du format journal). Et, évoqué brièvement dans les pages du précédent, « Ce jour-là, j’ai commencé à détester les terroristes » de Cypora Petitjean-Cerf, qui regroupe les ressentis de collégiens face aux attentats de janvier 2015 ; intéressant sur bien des points, mais qui soufre d’informations erronées ici ou là, et à 2 ou 3 reprises des interprétations surfaites ou carrément douteuses.
– Les romans jeunesse de Christian Lehmann et le second et troisième volet de sa trilogie « No Pasaran », intéressants mais moins frappants que le premier volet.
– En continuité de 2019 et du détour par l’antiquité et la philosophie, je continue du côté de chez Platon, avec notamment les textes apocryphes (souvent courts, encore une fois). 21 textes de Platon pour le coup, avec particulièrement le classique « Protagoras », également « Hipparque », « Ion », ou encore « Sisyphe », et l’ennuyeux « Les lois » (quitte à avoir du Platon législatif, je préfère de loin ses textes autour de l’Atlantide, ou l’incontournable « La République »). Et aussi quelques auteurs dits présocratiques (à défaut d’aller en librairie comme d’habitude, j’en reviens pour mes rares passages avec des pléiades sous le bras).
– Un texte historique, avec les déboires en Amérique du sud d’Ulrich Schmidel, « Voyage curieux au Rio de la Plata », où sont évoqués notamment la fondation de Buenos Aires et où Cabeza de Vaca apparaît (lui-même auteur d’une relation de voyage en Amérique du nord quelques années plus tôt, tout aussi calamiteuse que les déboires de Schmidel).
– Du côté des essais, une pensée à BHL et son détour dans le botulisme, en lisant « La vie sexuelle d’Emmanuel Kant » par le grand philosophe Jean-Baptiste Botul, en réalité écrit de façon satirique par Frédéric Pagès. Le terriblement mauvais « Obsession – dans les coulisses du récit complotiste » de Marie Peltier, évoqué dans un article il y a quelques semaines. A mi-chemin entre l’anthropologie et le témoignage, « Croire aux fauves » de Nastassja Martin, marquant dans sa première partie, un peu brouillon parfois dans la suite du livre. Proche de l’anthropologie toujours, « Le rituel du serpent » d’Aby Warburg. Le travail de David Thomson sur « Les français jihadistes », très intéressant. Les « Jeux d’ombres sur la scène de l’ONU » extrêmement pertinents de Jeanne Favret-Saada. Un classique : « La Nouvelle Atlantide » de Francis Bacon (avec une pensée émue pour Jacques Grimault… ahem…!). Et dans la continuité, « L’Atlantide – Petite histoire d’un mythe platonicien » par Pierre Vidal-Naquet. Enfin, tout un tas de textes des débuts de Simone Weil, engagés et revendicateurs autour de la situation ouvrière des années 1930.
– Un roman marquant, jouant avec un témoignage réel, « Les mensonges du Sewol » du Coréen Kim Takhwam, concernant le naufrage du Sewol déjà mentionné plus haut (à propos d’un film documentaire) et des plongeurs sous-marins engagés dans la recherche de corps à l’intérieur de l’épave pendant de longues semaines (et, une fois de plus, les scandales médiatiques et politiques autour de l’affaire). Le superbe texte de Philippe Lançon, « Le lambeau », enfin lu dans son intégralité, autour de l’attentat de Charlie Hebdo et surtout de la reconstruction médicale et personnelle dans les mois qui ont suivi. Enfin, les notes nocturnes de Marguerite Yourcenar « Les songes et les sorts ».