Arrière-grand-mère de l’actuel souverain des Belges, Elisabeth de Wittelsbach, devenue reine de Belgique en 1909, est un personnage qui détonne dans la galaxie des têtes couronnées. Cette femme indépendante passe toute sa vie dans une quête absolue de liberté… et de vérité. Curieuse, fougueuse et spontanée, elle veut faire ce qui lui plaît, qu’importe le qu’en dira-t-on ! Elle veut vivre tout simplement. Le lourd héritage Wittelsbach Élisabeh, duchesse en Bavière, nait le 22 février 1875 au château de Possenhofen. Elle passe toute son enfance dans cette demeure de son père Charles-Théodore de Wittelsbach, un petit château perdu sur une rive du lac de Starnberg, entouré de forêts et de montagnes romantiques. C’est la nature à l’état pur. Cette enfance très libre la marque profondément. Élisabeth est un mélange détonnant entre deux familles très différentes et très complémentaire. D’un côté, les Wittelsbach, cette très ancienne famille d’Allemagne, dont descend son père. La plupart des membres de cette famille ont un côté fantasque, rêveur, idéaliste même, qui tourne à la névrose dans le cas de Louis II de Bavière, qui appartient à la branche aîné de cette dynastie. En tout cas, c’est une famille d’originaux, tant dans leur comportement que dans leurs idées : ils sont souvent en avance sur leur temps, se laissent guidés par leurs intuitions, leurs convictions. De l’autre, la famille des Bragance, dont est issue la mère, Marie-José, infante du Portugal. Là, c’est l’austérité, la droiture, le sens des devoirs et des responsabilités, une famille qui a les pieds sur terre. Marie-José a une poigne d’enfer, elle est pétrie des traditions de l’ancien régime et veille sur l’éducation de sa progéniture avec une grande sévérité. Surtout, elle leur inculque le sens du devoir. Ça, Élisabeth s’en souviendra toute sa vie, et contrairement à sa tante Sissi, ne fuira jamais devant ses responsabilités. Au lieu de subir son destin, elle le prend en main. Cette enfance, qui s’étire tout de même jusqu’à ses 20 ans, c’est une part importante de sa vie et elle la marque à jamais. Toujours elle manifestera une grande indépendance, un mépris voire un attrait pour le danger, un non-conformisme affiché et assumé, qui fait véritablement partie de son ADN et une grande sensibilité aux arts, particulièrement à la musique. Un mariage d’amour Élisabeth rencontre l’homme de sa vie au cours d’un évènement qui n’a pourtant rien de réjouissant : des funérailles parisiennes. Celles de la duchesse d’Alençon, Sophie de Wittelsbach, morte brûlée vive le 4 mai 1897 dans le terrible incendie du Bazar de la Charité à Paris. Cette pauvre Sophie est une sœur de Sissi et donc une tante de notre Élisabeth. Il est donc tout naturel de voir la famille Wittelsbach réunie à cette occasion. Entre Élisabeth et Albert, héritier présomptif de la couronne de Belgique, c’est le coup de foudre. La duchesse en Bavière ne résiste pas aux charmes de ce grand garçon aux cheveux blonds et bouclés, au visage figé par une expression à la fois sévère et mystérieuse qui lui sert à cacher sa timidité… Il est touchant. Elle clame à qui veut l’entendre qu’elle épousera son prince belge ou personne. De son côté Albert est assez impressionné par cette jeune femme de vingt ans au visage fin, au sourire franc, très menue, très fine, et pourtant débordante d’énergie. Le prince est hypnotisé par la douceur de ses yeux, d’un inexprimable gris-bleu, et par cette force de caractère qu’il sent bouillonner en elle. Leur correspondance à ce moment de leur relation est révélatrice de leur caractère respectif. Albert est mesuré, tendre, rassurant. Il exprime ses sentiments naturellement mais aussi avec une certaine pudeur, il lui dit « Je suis triste de ne pouvoir être avec toi maintenant, de ne pouvoir te dire combien je t’aime et voudrais te rendre heureuse… » Il l’appelle son « Kind » (son enfant) parce qu’il ressent le besoin de protéger cet être fragile qui ne se ménage jamais. Élisabeth de son côté s’exprime avec plus d’impatience et même de violence. Elle lui écrit qu’elle ne peut plus vivre sans lui, qu’elle se sent seule, triste et que tout l’ennuie, elle va même jusqu’à lui dire « Je vais te tuer à moitié en t’embrassant… » Devenir belge Pour Élisabeth, les premières années de vie commune sont difficiles. C’est à ce moment là de sa vie que l’on peut faire l’un des rares parallèles avec sa tante Sissi. Tout comme Sissi s’est tout de suite sentie comme un oiseau en cage à Vienne, Élisabeth ressent assez durement sa perte de liberté. L’hôtel qui doit servir de résidence au jeune couple n’est pas terminé donc Élisabeth et Albert s’installent au palais des comtes de Flandre. Cette cohabitation avec la belle-famille est loin de ravir Élisabeth, qui ne supporte pas la promiscuité imposée. Elle confiera à sa fille plus tard qu’elle supporte alors très mal l’atmosphère de Cour, qu’elle qualifie « d’étriquée » et de « bureaucratique ». Alors elle s’en va : elle s’échappe sur la Côte d’Azur, visite la Belgique, retourne à Possenhofen… Si elle boude la Cour, elle se montre volontiers au peuple, qui l’adore depuis son entrée en Belgique en 1900 : Les Belges aimèrent à première vue cette princesse en miniature, pour qui le poids d’un diadème semblait trop lourd, à cette fragilité dont le front semblait ciselé pour porter une simple guirlande. Le Journal – 19 novembre 1914 Et pourtant ! Cette femme à l’allure si délicate cache un tempérament de feu. Lorsqu’elle monte sur le trône aux côtés de son époux en 1909, Élisabeth est une reine énergique de 33 ans, une mère de famille épanouie qui tient le rôle d’un véritable roc dans son couple. Tout en appréciant une vie de famille simple et chaleureuse, elle devient le soutien indispensable de son mari dans l’accomplissement de sa charge et favorise l’essor culturel du pays en s’intéressant aux arts, aux sciences et aux lettres. La reine infirmière La complicité d’Élisabeth avec son mari et avec son peuple est scellée pendant les années tragiques de la Première Guerre mondiale. Retranchée derrière l’Yser, la courageuse armée belge va résister quatre longues années à l’envahisseur allemand. Les combattants se sentent galvanisés par le couple royal plein de dignité, de compassion… et d’initiatives. Élisabeth, installée à La Panne avec son époux, s’implique personnellement en prenant soin des blessés, en donnant l’or de sa cassette aux hôpitaux ou encore en distribuant des vivres et des cigarettes aux troupes pour leur remonter le moral. La guerre, qui offusque tout de son ombre, n’arrive pas à atteindre cette radieuse petite tête, dont l’image emportée en exil est, pour le peuple belge, une fleur d’espérance. Le Journal – 19 novembre 1914 L’Égyptienne Curieuse de tout, Élisabeth aime beaucoup voyager. Le lien d’Élisabeth avec la civilisation égyptienne reste unique. C’est l’autre grande histoire d’amour de sa vie ! Elisabeth découvre l’Égypte en 1911, au début de son mariage, durant un voyage qui dure 2 mois. Elle ne rêve ensuite que d’y retourner, avec un guide capable de l’orienter, de l’instruire. Bref. Quelqu’un de savant. En novembre 1922, elle rencontre justement le guide qu’il lui faut alors qu’elle visite une exposition d’antiquités égyptiennes qui commémore le centième anniversaire du déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion. Elle visite l’exposition en compagnie du conservateur du département égyptien des musées, Jean Capart, dont Élisabeth apprécie l’érudition et la passion palpable. Alors même qu’Élisabeth découvre l’exposition à Bruxelles, l’archéologue Howard Carter fait en Égypte une découverte exceptionnelle : une tombe presque intacte, celle de Toutankhamon, avec des objets fabuleux dans l’antichambre et la chambre funéraire. C’est le moment où jamais de repartir en Égypte ! Jean Capart reçoit une invitation de la reine Élisabeth, qui lui propose de l’accompagner en Égypte avec son fils aîné Léopold. Accepterait-il de leur servir de guide ? Jean Capart ne fait même pas semblant de réfléchir, il saute sur l’occasion. Il est tellement heureux qu’il compare même la reine à la fée-marraine de Cendrillon ! En Égypte c’est le branle-bas de combat en ce début d’année 1923 : la visite prochaine d’Élisabeth est un véritable honneur. Howard Carter fait savoir à Élisabeth qu’elle sera la première tête couronnée à entrer dans la chambre funéraire, la partie la plus secrète du tombeau ! Élisabeth et Léopold quittent Bruxelles le 9 février 1923, en train, jusqu’en Italie, pour embarquer à Gênes sur un luxueux paquebot. Il débarquent à Alexandrie le 15 février et prennent un train à nouveau jusqu’au Caire, train qui a été mis à disposition par le roi d’Égypte. À Louqsor où ils arrivent le 16 février 1923, Élisabeth et son fils résident au Winter Palace, un hôtel de luxe avec une magnifique vue sur le Nil. L’hôtel grouille de journalistes et d’archéologues. Le 18 février, en début d’après-midi, la reine est conduite en voiture avec Léopold et Capart jusqu’à la Vallée des Rois, à travers des routes sinueuses dans la montagne. L’itinéraire a été truffé de gardes pour tenir la foule à l’écart… et prévenir toute manifestation nationaliste. Malgré la chaleur torride, la reine est impeccable. Elle porte une robe de soie crème à broderies roses et un manteau orné d’une fourrure de renard blanc. Élisabeth descend dans la tombe, et pénètre dans la chambre funéraire. Elle est particulièrement attirée par un coffret ouvert dans lequel repose un éventail intact, fait de plumes d’autruches(qu’elle aime tant) fixées à un manche articulé en ivoire sculpté. Au bout d’une demi-heure, on prie les invités de regagner la surface. Élisabeth s’écrie : « C’est vraiment merveilleux ! » De retour en Belgique, Élisabeth instaure la « Fondation Reine Élisabeth » qui permet d’octroyer à perpétuité un revenu à la section égyptienne des Musées du Cinquentenaire pour acquérir tous les ouvrages nouveaux, les recherches les plus récentes, enrichir les archives photographiques, etc… L’une des plus prestigieuses institutions du monde dans ce domaine ! L’art d’être soi-même Élisabeth refusera toujours de rentrer dans le moule, d’être catégorisée. Le jour de son entrée dans Bruxelles est déjà révélateur : le jeune couple se présente au balcon du palais des Flandre, résidence donc des parents d’Albert. La foule est en délire, les acclamations n’en finissent pas et Élisabeth, ravie, grisée, ne peut pas s’empêcher d’envoyer des baisers à la foule. Cela ne se fait pas. Ou en tout cas, cela ne s’est jamais vu ! Toute sa vie, Élisabeth, sera une grande coquette. Le XXe siècle est une renaissance de la mode pour les femme. Élisabeth se jette dans ces nouveautés avant-gardistes. Au placard les affreux corsets d’un autre âge, au placard également les grandes robes empesées ou les tenues trop sages et informes. Elle aime bien s’habiller, elle sait exactement ce qui la met en valeur, notamment la mode des années 30, avec ces robes élégantes qui ne marquent pas trop la taille… Comme elle veut toujours connaître les dernières nouveautés, la reine court les boutiques à la mode dans Paris, elle rencontre Chanel, et c’est ce côté liberté totale de la femme, tout en restant élégante, qui lui beaucoup chez Coco Chanel. Elle aime les couvre-chefs, et pas n’importe lesquels. Elle met de très grands chapeaux ou des chapeaux cloche. Elle orne ces chapeaux d’immenses plumes d’Autruche duveteuses qui contrastent de façon impressionnante avec sa silhouette menue. On la voit aussi porter des turbans, en passionnée de l’Orient ! Elle les attache avec des épingles à têtes d’émeraudes ou de diamants, ou bien les décore de rubans de perles. Elle adopte aussi tout de suite la mode très nouvelle des diadèmes qui se portent non plus posés sur le haut de la tête mais en bandeau sur le front. Véritable globe-trotter, Élisabeth ne s’intéresse pas qu’à l’Égypte. Elle parcourt le monde pour découvrir, apprendre, s’inspirer : la civilisation indienne la fascine et elle ira jusqu’en Inde rencontrer un grand sage, bousculant les habitudes d’une Belgique catholique en manifestant son intérêt pour l’hindouisme. La reine choque plus encore dans les années 1960 lorsqu’elle décide, contre l’avis du gouvernement belge, d’aller derrière le...
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