Par Denis Diderot — Denis Diderot, Jacques le fataliste et son maître. A Paris, Chez Gueffier jeune, imprimeur-libraire, rue Gît-le-Cœur, n°. 16. Knappen fils, à la maison de commission en tous genres, rue Saint-André-des-Arts, n°. 46. An cinquième (1797 v. st), Domaine public, Lien
Imaginez-vous ? Un temps où l'on comprenait ce que disaient les philosophes !
Peut-être était-ce ce qu'ils voulaient, d'ailleurs. Méfiez-vous des idées ; ne perdez jamais de vue la réalité ?
Jacques le fataliste fait penser à Candide. Mais il est aussi influencé, c'est dit, par Tristram Shandy. Une oeuvre est toujours de son temps. Comme lui, "il va du coq à l'âne". Les digressions sont incessantes. Les histoires sont interrompues, sans cesse. L'auteur intervient. Il parle au lecteur, et aux personnages. Et, pour finir, l'éditeur prend la parole.
Une leçon ? Le monde est à l'image du livre ? Sans rime ni raison ? Mais pas "de bruit et de fureur". Car tout est joyeux ici, et même gentiment coquin. Gaulois ? En tout cas, la morale y passe un mauvais moment. Plus exactement, chacun y a sa morale.
Comme dans Candide, on critique des théories philosophiques. Le maître de Jacques croit au libre arbitre : il ne fait que ce qu'il veut. Et pourtant, Jacques le manipule, et il a des gestes mécaniques. D'ailleurs, qui est le maître, qui est le serviteur ? Quant à Jacques, il est "fataliste". Il croit que tout est écrit. C'est, indirectement, un disciple de Spinoza. Voilà une théorie bien difficile à démontrer, car elle est "infalsifiable", dirait-on en anglais. A moins que ce ne soit pas la philosophie qui fasse le philosophe ? Serait-il un philosophe à la Socrate, un philosophe sorti du rang ? N'est-il pas mu par sa conscience ? Son fatalisme n'est-il pas, simplement, la force tranquille de celui qui fait son devoir ?...
La philosophie des Lumières serait-elle à l'opposé de la philosophie allemande : la simplicité qui masque la complexité ?