Quatrième de couverture (en partie) :
Les traces de pas dans la neige finissent toujours par disparaître, comme des souvenirs qu’on est forcé d’oublier, soufflés par le vent ou effacés par le soleil. Celles de Suzor, parti un soir de décembre 1976, n’existent plus depuis longtemps. Pourtant, Jeanne les voit encore chaque jour par la fenêtre du salon.
Pendant quarante ans, elle s’est promis de ne jamais le chercher, mais lorsqu’elle apprend qu’il est atteint d’alzheimer, sa promesse ne tient plus : elle doit retrouver Suzor avant qu’il oublie. (…)
Ce roman commence en hiver et s’achève au printemps 2017.
L’hiver, c’est sans doute la saison de la vie où est arrivée Jeanne, aux quatre-vingts ans bien sonnés. C’est aussi la couleur de l’oubli dont elle a volontairement recouvert sa vie passionnée avec Suzor, parti sans revenir un soir d’hiver, il y a quarante ans. C’est la maladie d’Alzheimer qui recouvre d’un voile d’oubli la mémoire de Suzor.
Le printemps, c’est la jeunesse follement amoureuse de Jeanne et Suzor, ce sont tous les souvenirs de leur vie à deux. C’est aussi la jeune Fourmi, l’ancienne voisine de Jeanne, maintenant âgée de quinze ans, qui vient retrouver celle qu’elle appelle Mamie et qui va partir avec elle à la recherche de Suzor.
Pour cela, Jeanne est « obligée » de se souvenir. Da sa propre enfance, fragile. De la flamme que Suzor a allumée dans sa vie et qui a comblé tous les manques, jusqu’à celui des enfants qu’elle n’aurait jamais avec lui. De l’angoisse qui a envahi Suzor et a précipité son départ éfinitif en 1976. De ce séjour professionnel dans la Russie de la guerre froide dont ils ne sont pas revenus indemnes. Là aussi, un hiver marquant, mordant, physiquement et psychologiquement.
Jeanne a consigné tous ses souvenirs dans un gros carnet, dans ce que Fourmi appelait ses « écrivements », que la petite fille qui ne savait pas lire transformait en contes de fées et d’amour. Ils lui servent de petits cailloux sur le chemin pour retrouver Suzor, et surtout pour comprendre, décider quelles traces laisser, abandonner ou garder pour entamer, envers et contre tout, un nouveau chapitre, un nouveau printemps.
Les écrivements, c’est un roman sur l’amour, la mémoire, l’oubli, la tendresse et ce qui reste quand on a tout oublié. Les souvenirs, la vie commune de Jeanne et Suzor leur appartiennent, c’est leur vie et elle a du prix, même si elle peut paraître éloignée du lecteur, le risque de l’oubli fait frémir mais Matthieu Simard emmène ses personnages sur un chemin tout en douceur et en douleur contenues, d’une écriture légère et consolante.
Une belle écriture, qui me donne envie de découvrir encore plus l’univers de Matthieu Simard. Merci à celle qui m’en a fait cadeau !
« Une quinzaine d’hivers ont passé, au cours desquelles nous réapprenions chaque jour à sourire. Nous étions incapables d’oublier mais nous réussissions, dans notre solitude à deux, à nous réchauffer la moelle. Pendant quinze ans nous sommes restés beaux malgré le passé qui nous avait défigurés. Suzor parlait souvent des montagne de l’Oural et je changeais souvent de sujet. La plupart du temps il s’en accommodait. Parfois il s’effondrait le temps d’une soirée, deux peut-être, prostré dans notre chambre, et je n’avais pas le droit d’y entrer. Ce soir-là je dormais dans le salon, devant le foyer. Quand il venait me rejoindre c’était comme s’il ne s’était rien passé. Il faisait une blague sur les voisins, je riais, nous faisions l’amour comme des adolescents maladroits.
Pendant toutes ces années, Suzor et moi avons été, je crois, la plus belle chose aux doigts entrelacés à déambuler sur les trottoirs montréalais. Une petite perfection bourrée de défauts et de fractures, de chicanes et de fissures. Chacun de notre côté nous étions laids et brisés mais ensemble nous étions notre propre trousse de premiers soins, capables de survivre à tous les hivers. Du moins, c’est ce que je pensais. » (p. 30)
« -Mamie ? Est-ce que ça s’arrête de faire mal, un jour ?
-Quoi ?
-La vie.
-Non. Ça arrête jamais. Mais un jour tu vas trouver quelqu’un avec qui avoir mal, et tu vas comprendre que ça vaut la peine. » (p. 92 )
« J’ai longtemps cru, enfant, que l’odeur de nos hivers était un privilège, je sortais en décembre, en janvier, dans le froid dehors, chez moi, j’emplissais mes narines et je me disais que les Brésiliens, les Espagnols, les Algériens ne connaissaient pas cette odeur, et que j’étais chanceuse. C’était avant la Russie. Depuis, cette odeur me rend malade. C’est encore pire depuis ton départ, depuis que par mois treize degrés en décembre tu as ouvert la porte. Chaque fois que je sors dehors et que j’aspire j’aimerais être en Algérie. » (p. 118 )
Matthieu SIMARD, Les écrivements, Alto, 2018
Madame lit nous invite à lire un roman qui a gagné lePrix France-Québec. Son avis sur ce roman ici.
Ca compte aussi pour le défi Un hiver au chalet catégorie Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver ! (un roman québécois)