Tous autant que vous êtes
Lecteurs
Qui respirez qui expirez
Sans expier votre fausse naissance
Vous ne savez pas ce qui vous pend au bout du nez
Au bout des pieds
Têtes de rats
Queues de rats
Vous qui sans le savoir attendez de me lire
En un point de l’univers visible
De l’univers sensible
Jamais nous ne nous rejoindrons
Jamais nous ne serons liés
Selon les dispositions de cette société
Ou d’une autre
Selon un pacte convenu
Tous autant que vous êtes
Lecteurs
Qui respirez qui expirez
Sans expier votre fausse naissance
Je vous charcute pourritures-nées
Je vous tronçonne néants achevés
Je vous divise en parties incompressibles
De matières corruptibles
Et de nuits parfaites
Je vous fonde glaises
Vous évacue boues
Afin que vos corps
Trouvent un toit d’infortune
Où abriter leur tare originelle
Je vous érige ruines constituées
Je vous établis
Dans votre incapacité à être touchés
Par le miracle poreux
Qui traverse la peau
Qui transperce les os
Je vous ajoute
À mon compte de mots mortels
Puis je vous secoue
Comme les cafards
Comme la vermine
Dans le grand jeu éternel
Je vous secoue comme les vieux secrets de fond de cale
Comme les poussières qui s’accumulent
Dans cette chambre
Où je survis aux effondrements de la mémoire
Et du temps
Je vous secoue
Mais surtout surtout :
Je vous efface
Jamais nous ne nous rejoindrons
Jamais nous ne serons liés
Selon les dispositions de cette société
Ou d’une autre
Selon un pacte convenu
Jamais jamais
JAMAIS !
***
Paul Vallée (Ayer’s Cliff 1970-2002) – Autodestruction