Après plus de sept ans de travaux, la première pierre en fut posée le 12 juin 2013, l’ancienne résidence des Hohenzollern renaît sur Unter den Linden, entre Alexander Platz et la Porte de Brandebourg. Il est donc ouvert au public mais en réalité reste fermé pour cause de pandémie et de confinement.. C’est une initiative privée qui a financé en partie cette construction destinée à accueillir les collections d'art africain et asiatique de Berlin. L’édifice originel construit au XVIe siècle et transformé au début du XVIIIe siècle par le roi Frédéric Ier de Prusse fut bombardé pendant la Seconde Guerre mondiale, puis rasé par le régime communiste qui régnait alors à Berlin-est, capitale de l'ex-RDA. A la place, on avait construit un bâtiment moderne sans charme, le Palais de la République, inauguré en 1976 qui abritait le Parlement et un centre culturel et de loisirs. Il fut lui aussi rasé lors de la réunification. On ne peut pas dire que cette reconstruction actuelle due à l’architecte italien Franco Stella, soit du goût de tous, elle suscite même la polémique pour plusieurs raisons. Naturellement le symbole, le coût des travaux qui s'élève à quelque 700 millions d'euros soit 100 millions de plus que ceux qui avaient été prévus à l'origine. Puis et ce n’est pas la moindre, le fait que ce bâtiment de 40.000 m2 soit destiné à abriter le Forum Humboldt, qui va accueillir les collections d'art premier et asiatique de Berlin. 20.000 pièces provenant pour la plupart des anciennes colonies dont les allemandes.
Le 9 décembre, l'ambassadeur du Nigeria réclamait le retour dans son pays des bronzes du Bénin, 180 bustes et sculptures datant des XVIe et XVIIIe siècles. Une affaire délicate pour l'Allemagne qui se veut exemplaire pour ce qui concerne les œuvres spoliées par les Nazis, mais qui est moins pointilleuse quant à son passé colonial. "Comment est-il possible d’en arriver à un tel désastre? Ce qu’on a construit là, c’est un Disneyland prussien", clame Jürgen Zimmerer, professeur d’histoire coloniale à l’Université de Hambourg.
La presse allemande n’est guère plus charitable, elle compare cet édifice à un "centre commercial", à un "hall d’aéroport", u ou à un "Motel One". Quant à la Frankfurter Allgemeine Zeitung elle assène "Nous sommes loin de la dimension internationale des grands projets culturels de Paris et de Londres". Au contraire, le directeur des lieux Hartmut Dorgerloh déclare lors d’une courte conférence de presse le 16 décembre "C’est un lieu ouvert à tout le monde". Pour le maire de Berlin, Michael Müller, il sera un lieu "de réflexion sur notre histoire et notre rôle dans le monde".
Le Forum Humboldt accueillera les collections du Musée ethnologique, celles du Musée d’art asiatique du musée de la ville de Berlin ainsi qu’un laboratoire d’idées de l’Université Humboldt, située juste en face qui fut fondée le 16 août 1809. En outre, l’institution proposera un abondant programme culturel comprenant concerts, cinéma, danse, théâtre et littérature. Sans oublier les expositions permanentes des trois musées résidents, un ensemble de 20.000 pièces archéologiques, documents ethnologiques et œuvres d’art sur une superficie de 14.000 m2. Et qui se veut un centre d’échanges et surtout de dialogue que n’auraient point renié les grands savants du XIXe siècle auxquels elle doit son nom, Alexander et Wilhelm von Humboldt. Le premier, géographe et naturaliste parcourut l’Amérique du nord au sud de 1799 à 1804 et le second linguiste et philosophe fonda notamment l’Université de Berlin.
En dépit de la polémique, la ministre de la Culture Monika Grütters a précisé que l'histoire de l'époque coloniale, jusqu'ici négligée, doit également être racontée. Elle a ajouté "Je suis heureuse que le Forum Humboldt ait lancé ce débat" et elle a affirmé que les bronzes béninois controversés seront exposés "dans le contexte du débat actuel sur la restitution".
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