Le panorama peut sembler réducteur mais, à bien y réfléchir, il faut se rendre à l'évidence : après une douzaine d'années de tentatives de « disruption », les nouveaux entrants n'ont effectivement réussi à faire bouger les lignes, à grande échelle, que dans ces deux registres. Ce sont d'ailleurs les sujets qui préoccupent désormais le plus les établissements historiques, parce qu'ils reconnaissent la mutation profonde qu'ils portent tout en étant conscients du retard qu'ils accusent en la matière.
L'accès à des données en tout genre, tout d'abord, émerge comme un catalyseur d'une véritable révolution à venir. Le FMI s'intéresse plus particulièrement aux applications dans le domaine du crédit, en complément ou en substitution aux moyens traditionnels d'évaluation du risque de défaut. Sa vision rejoint un thème d'étude récurrent – illustré, par exemple, par les livres blancs publiés cette année par Budget Insight et Bridge (par Bankin') – qui présage d'une probable vague de mises en œuvre quasi généralisée.
Naturellement, le bénéfice principal du recours à des données telles que les usages du téléphone mobile, l'historique de navigation sur le web, les achats en ligne ou, plus prosaïquement pour ceux qui ont au moins un compte, les transactions bancaires afin d'attribuer un crédit tient de l'inclusion financière, qu'elle concerne des populations entièrement hors système ou des personnes écartées en raison de leur statut (les cas emblématiques comprenant les travailleurs indépendants, les entrepreneurs…).
Le FMI souligne en outre la valeur de ces approches alternatives selon une deuxième perspective, d'ordre conjoncturel. Elles sont en effet beaucoup moins sensibles au phénomène de « procyclicité », celui qui fait que le crédit attribué exclusivement en utilisant les techniques traditionnelles à base de niveau de revenus, de situation professionnelle, de patrimoine, de dettes en cours… subit mécaniquement une contraction dans les périodes de crise durant lesquelles il est le plus nécessaire.
Sur le second axe d'innovation, la distribution des services financiers sur le web, sur smartphone, sur les réseaux sociaux… – qui a connu une forte croissance avec la pandémie – offre, bien sûr, un surcroît de commodité et de confort aux clients tout en stimulant la rentabilité des banques. Mais une conséquence encore peu observée sera aussi l'extension du périmètre géographique de la concurrence (y compris avec de nouveaux acteurs), grâce à l'élimination des distances qu'autorisent les outils « digitaux ».
Toutes ces évolutions soulèvent des défis réglementaires inédits. Dans le registre prudentiel, les risques spécifiques induits par l'introduction de pratiques sans antécédents doivent être mesurés et donner lieu à la mise en place de précautions adaptées. Autres considérations majeures qu'il faudra aborder à moyen terme, la protection des données personnelles et le danger des monopoles que pourraient détenir les grandes plates-formes internationales, qui concentrent déjà tant d'usages parmi le grand public.
En conclusion, si les innovations de la FinTech sont en apparence relativement anodines, ou du moins incrémentales, elles laissent entrevoir un tel potentiel de transformation sur les infrastructures financières existantes et, plus généralement, sur le monde – ne serait-ce que par la possibilité de mettre des produits bancaires à la portée d'un milliard de personnes aujourd'hui exclues – qu'elles en deviennent réellement révolutionnaires. Il faut donc bien les appréhender en tant que telles et ne surtout pas les sous-estimer…