Il devient difficilement contestable que les fêtes de fin d'année pont perdu leur magie humaine au profit d'un consumérisme aux méthodes de plus en plus magiques. Qu'il suffise de jeter un œil sur le visuel de la campagne de presse de la Fédération française des industries jouet - puériculture (FJP), qui avait été créé pour appeler à une réouverture des magasins de jouets :
Certes, les petits commerçants auront subi les confinements, mais outre qu'ils ne sont pas les seuls (pensez aux particuliers qui ont perdu leur emploi et se retrouvent dans la précarité voire la pauvreté), est-ce une raison pour transformer le consumérisme en une question existentielle pour les enfants et surtout leurs parents ? J'y vois le parachèvement de la société du spectacle si bien décrite par Guy Debord, c'est-à-dire le règne de la marchandise qui réussit un peu plus chaque jour à envahir l'espace social, au point de nous laisser comme seule perspective de vie la consommation. L'illusion de vivre par l'acte de consommation n'est rien d'autre que la négation même de la vie disait Debord...
Ayant compris que cette hégémonie de l’anti-valeur argent commençait tout de même à être contestée, Coca-Cola a réussi le tour de force de récupérer les valeurs d'amour et d'amitié pour les fondre dans un spot publicitaire vantant que "le plus beau des cadeaux, c’est vous"... alors même que l'objectif ultime est de vous vendre un soda !
D'aucuns pointent qu'après le mouvement des gilets jaunes, la crise sanitaire et maintenant les manifestations contre la loi Sécurité globale (sic), il est devenu bien difficile de faire du commerce tranquillement durant les fêtes de fin d'année.
Est-il pourtant si difficile de voir que les contestations radicales sont en grande partie le fruit des orientations radicalement néolibérales des gouvernements successifs, dont le dernier détient assurément le pompon ? Lorsque les dirigeants politiques s'accrochent à la chimère d'un monde gouverné par des règles économiques universelles immuables, qui rendent inutiles la confrontation de projets de sociétés différents, et subséquemment les débats contradictoires - bien qu'ils soient depuis plus de deux millénaires l'essence même de la démocratie -, rien d'étonnant à ce que la contestation finisse par prendre des formes de plus en plus inquiétantes (et violentes).
Depuis le système de santé et ses soignants, vus il y a quelques mois encore comme les derniers de cordée par le gouvernement, jusqu'aux entreprises où le travail a été ravagé par la perte de sens, en passant par les libertés qui sont rognées au nom d'une illusoire sécurité (Cf. François Sureau), les gouvernements accompagnent avec une grande allégresse le démantèlement de la nation constituée de citoyens actifs en un ensemble informe d'individus simples consommateurs.
Le corps social français est en passe de se disloquer en raison des inégalités croissantes, de la hausse de la pauvreté et de l'individualisme érigé comme vertu, d'autant que tout a été fait depuis des années pour dissoudre les notions de peuple et de souveraineté dans un grand fatras appelé société civile. C'est l’archipel français de Jérôme Fourquet... Pourtant, la politique économique économique est d'abord de la politique, comme je le répète inlassablement à mes étudiants !
Une crise devrait être l’occasion de se poser des questions et de changer tout à la fois nos modes de production, nos modes de vie et avant tout nos façons de penser. Mais pour ce faire, il faut en priorité décoloniser l'imaginaire pour créer le monde d'après ! En République, ce sont les citoyens, considérés comme un ensemble coopératif, qui en ont le pouvoir, mais encore faut-il qu'ils s'en saisissent ! À défaut, la minorité qui profite de ce système continuera à le présenter comme naturel, même s'il cause des dégâts au plus grand nombre...
Joyeux Noël tout de même !
Sur ce constat et cette invitation à l'action coordonnée, je vous souhaite un joyeux Noël et vous retrouverai la semaine prochaine pour mon dernier billet de l'année 2020 !