L'histoire du film : Imaginez trois jeunes hommes qui se connaissent à peine, et que seul le handicap réunit. L'un est tétraplégique, l'autre presque aveugle, et le troisième se déplace en fauteuil roulant. Mais pour des raisons différentes, tous décident de s'échapper vers une maison close québecoise, spécialisée dans l'accueil des hommes porteurs de handicaps. L'un, Scotty, est obsédé par le sexe et rêve de faire l'amour pour la première fois. Le deuxième, Mo, a lui très envie de partir en " excursion " pour changer d'air, et se laisse convaincre par le projet d'aventure sexuelle. Et enfin, Matt vient de perdre sa petite amie et souhaite donc se changer les idées et s'extraire d'un carcan familial un peu trop étouffant.
Mine de rien, ce film indépendant malgré des débuts un peu ternes et poussifs à mes yeux, m'a embarquée. Mine de rien, ce qui peut passer au premier abord pour un " feel good movie " classique aborde des tas de problématiques rencontrées par les personnes en situation de handicap. Et plus particulièrement les jeunes. Sous une apparente légèreté, le film parle de manque d'accessibilité, d'obligation de renoncer à certains de ses rêves (Matt a dû abandonner la boxe à haut niveau), de solitude amoureuse (Scotty est seul depuis toujours alors Matt voit sa copine partir avec un autre car elle souhaite penser à son avenir), de sentiment d'être mis à l'écart en société, de la difficulté d'assumer faire partie d'une minorité.
Mais surtout, ce film aborde un sujet tabou et pourtant central : la sexualité des personnes handicapées. Dès les premières minutes, une scène nous fait prendre conscience de l'insupportable manque d'intimité dont elles souffrent. Un matin, Scotty se lève avec une érection. Il souhaite que sa mère attende avant de venir l'aider à se lever, mais celle-ci n'entend pas sa demande. Un peu plus tard dans le film, c'est Matt qui en fait les frais : alors qu'il se rend sur le site internet de la maison close, sa petite sœur entre dans sa chambre sans frapper, ce qu'elle semble faire assez souvent. Chez ces jeunes hommes, le désir de liberté et d'émancipation se fait alors de plus en plus fort.
Mais pour s'échapper lorsque l'on est porteur de handicap, mieux vaut bien s'organiser. Le jour de la " fugue ", Scotty le tétraplégique, aura d'ailleurs bien du mal à quitter sa chambre, après avoir fait tomber son téléphone à terre... Une scène qui là aussi illustre à quel point la liberté est pour les handicapés très difficile d'accès. C'est d'ailleurs beaucoup de cela que parle le film, de cette difficulté pour eux à prendre leur indépendance, à vivre leur vie d'adulte et à se déplacer où bon leur semble. Heureusement, ils bénéficieront pour cela de l'aide (rémunérée, car il s'agit de son métier ), de Sam, une conductrice de mini-car, qui va partager leurs aventures. Sans être au courant au départ du projet des trois hommes qu'elle transporte... Cette femme très cash apporte vraiment de la fraîcheur à ce film, qui très vite devient enthousiasmant. Car entre ces quatre personnages, les rapports sont explosifs mais l'alchimie prend, ce qui les rend tous très attachants.
Au détour de conversations crues et de péripéties imprévues, on découvre au fur et à mesure leurs failles et leurs qualités les plus insoupçonnées. Scotty l'obsédé est-il si à l'aise que cela avec sa sexualité ? Matt le " musclor " est-il si chanceux de plaire aux filles et de ne pas être " tétra " ? Mo est-il vraiment le looser qu'il croit être ? Malgré son titre français, Mission Paradis n'est pas un film bisounours. Il ne nous épargne pas les émotions difficiles, les crises, la réalité crue, la cruauté de certains mots ou de certains destins. Et il est d'autant plus percutant qu'il est inspiré d'une histoire vraie.
Sortie le 27 janvier 2021
Film de Richard Wong
Avec Grant Rosenmeyer, Hayden Szeto, Ravi Patel, Gabourey Sidibe etc
Durée : 1h46