"Comment ça a commencé ? Comme ça je suppose : moi, seule dans la cuisine, le nez collé à la fenêtre où il n’y a rien." Ainsi commence le monologue de Marie, l’héroïne de ce brillant roman. Marie est une funambule de la vie, un être à fleur de peau tenant en équilibre précaire grâce à l’ombrelle que constituent son mari et ses deux jeunes enfants. Une vie déprimante dans un quartier pavillonnaire comme il en existe tant.
Jusqu’au jour où, ayant crevé en chemin, un réfugié kosovar vient à son secours. Confrontée à une souffrance sans aucune commune mesure avec la sienne, elle réalise qu'ils sont des centaines comme lui dont nul ne se soucie du sort, perclus de faim, de froid, traqués. La vie de Marie bascule. Elle abandonne mari et enfants pour épouser la cause de ces réfugiés, s'engage totalement au risque de se laisser dépasser et de se perdre. La violence que la société inflige aux plus faibles fait de ce livre un récit engagé, montrant la volonté de l’auteur de dénoncer l’aberration qu’il y a pour ces clandestins et sans-abri à se retrouver "coincés dans cette ville parce qu’on les empêche d’aller ailleurs, traqués et harcelés avec une violence injustifiable parce qu’ils y restent"...
Cette inhumanité qui frappe les plus démunis est l’affaire de chacun nous rappelle t-il, ou comment faire l’expérience du don et de la compassion.O. Adam n’a pas son pareil pour explorer les failles des êtres, opérer avec une justesse chirurgicale à la mise à nu des sentiments. Remarquable.