Dans le stade Jesse Owens
M. Yann Le Fur, président de la commission du grand cycle de l’eau et de la protection de la ressource aurait pu filer encore plus loin les métaphores marines qu’il semble affectionner. Lors de la réunion du conseil de l’agglomération Seine-Eure, ce jeudi, au stade Jesse Owens transformée en salle de rencontres distanciées (gestes barrières obligent) M. Le Fur a voulu jouer les Bretons de service : droit dans ses bottes et cap à tribord (à droite donc) toutes voiles dehors. Bien aidé par Bernard Leroy qui a démontré un talent accompli d’habile stratège, les élus de l’agglomération ont débattu du choix de la gestion de l’eau potable sur le territoire des 105 000 habitants concernés. Des contrats arrivant à échéance le 31 décembre 2021, l’exécutif de la CASE a souhaité anticiper la suite des cette année.
Ce n’est ni nouveau ni immoral : il existe deux visions principales de cette gestion de services publics essentiels. Une vision purement technique et comptable, « pragmatique », affirment ses défenseurs et une autre, inscrite dans l’histoire et les compétences des communes sous forme de régie publique. Les élus favorables à cette dernière se recrutent surtout sur les bancs de la gauche…et aussi dans de nombreuses communes de droite comme Nice par exemple ou Troyes chez François Barroin. Choisir la régie publique répond d’abord à une évidence : l’eau n’est pas une marchandise « ce n’est ni un tracteur ni une bouteille de coca-cola », comme dirait Marc-Antoine Jamet, maire de Val-de-Reuil, premier défenseur de la soirée d’un amendement visant au report de la décision proposée par Bernard Leroy. Pourquoi ce report d’un an ? Pour donner du temps au temps parce qu’il s’agit d’un choix engageant l’avenir pour sept ans et que des conseillers de Seine-Eure considèrent n’avoir eu l’opportunité d’étudier à fond un dossier complexe. Il met en effet en jeu de grosses sommes d’argent et des millions de mètres cubes d’eau vendus ou perdus à cause des fuites sur les réseaux.
Bernard Leroy préside
Philippe Brun au micro
Pour ma part, j’ai toujours défendu la régie publique qui avait fait si bien et si longtemps ses preuves à Louviers jusqu’en 1983 (le service de l’eau et de l’assainissement était toujours largement excédentaire) année où Odile Proust, ancien maire RPR, a choisi de vendre tout le réseau à la Compagnie générale des eaux devenue Véolia. C’était l’époque des Jean-Marie Messier, Guy Dejouany, …« les plus grands corrupteurs des municipalités de droite et de gauche » selon Marc-Antoine Jamet. Aujourd’hui, les dirigeants de Véolia ont changé mais leur appétit est toujours aussi féroce. Ne veulent-ils pas absorber le groupe Suez, concurrent direct de Véolia lors des appels d’offres organisés par les collectivités ? Si Véolia avale Suez, Le risque d’une situation monopolistique de Véolia est bien réel même si le groupe annonce qu’un fond d’investissement sera dédié aux marchés de l’eau pour éviter les foudres du conseil de la concurrence… Lætitia Sanchez n’a pas manqué de souligner les conséquences déjà palpables du changement climatique et d’une généralisation de stress hydrique dans de nombreuses régions du monde. Dans une partie de ces régions, des fonds vautours ont acquis des milliers d’hectares leur permettant de vendre l’eau aux éleveurs et agriculteurs a des prix spéculatifs « dans l’intérêt de leurs actionnaires. » On n’en est pas encore là en France mais l’année 2020 ayant été la plus chaude depuis les mesures de températures, notre pays devra, tôt ou tard, faire face à une pénurie d’eau potable avec toutes les conséquences fâcheuses sur notre quotidien.
Marc-Antoine Jamet défend le report