20 nouvelles. Pas plus, pas moins. 20 nouvelles où le désert n’est jamais loin. On est en Mauritanie. Même si le pays est rarement cité. Noudhibou et Nouakchott ne sont pas cités. Il est question du désert et de la ville, de deux mondes qui s’opposent, d’hommes et de femmes qui naviguent entre ces deux réalités.
20 nouvelles donc. La première introduit remarquablement le sujet. L’appel irrésistible. Le désir de partir vers la ville. Lavrak prépare son chameau pour migrer. Concentré. Déterminé. Imperméable aux arguments d’Ahmed. Ce dernier a un passif avec la ville. Il s'est pris dans l'emprise de cette dernière. Mais il a su se ressaisir :
« J’ai été moins marqué, j’ai senti le poids affreux de la carapace citadine avant qu’elle ne m’enveloppe, qu’elle ne m’envahisse » (p.7)Cette première nouvelle matérialise le manichéisme qui sous tend la plupart de ces nouvelles. La ville avilit ces gens qui viennent de l’arrière-pays. Elle les cantonne dans ses bas-fonds consacrant la faillite de leur exode. Lavrak est pourtant déterminé à partir. Concentré, imperméable au discours de celui qui est revenu de la ville. Le désert, quant à lui, bonifie.
20 nouvelles toujours. Certaines parlent des raisons de celles et ceux qui tentent de partir. Même les diplômes acquis n’élèvent pas forcément. Parfois ce savoir dénature le rapport avec celles et ceux qui sont restés dans le campement. Cheikh, dans la nouvelle Faux retour, va jusqu’à mépriser les « Bédouins » avec lesquels il a grandi et qu’il veut désormais tenir à distance. Sa fiancée, heurtée, ne le reconnaît plus et prend ces distances. Ces nouvelles parlent également d'orgueil, de honte, de ceux, partis, qui ne reviennent pas pour ne pas avoir à expliquer leur faillite.
J’ai aimé plusieurs nouvelles. Je citerai La folle de Batha qui raconte cette femme seule qui protège un espace maraîcher. Elle vit seule. Elle passe pour folle. Les enfants du quartier l’insulte. Elle est rejetée. Mais, est-elle réellement folle ? Cette nouvelle souligne le discours de Beyrouk sur l'isolement, la solitude dans ces grandes cités. Dans les campements ou les oasis, les hommes sont décrits comme étant valeureux et pleins de principe, connectés les uns aux autres. Des valeurs au-dessus de la monnaie. Ils défendent leur honneur en étant prêts à en payer le prix. Ils ont la mémoire de leur passé, de leurs faits d’armes.
20 nouvelles poétiques. On pourrait parler de l’écriture. Il y a chez Beyrouk, une forme d’écriture que je retrouve chez les auteurs de culture arabe, et plus généralement du désert. Je retrouve l’esthétique propre aux auteurs soudanais Tayeb Salih, Baraka Sakin, au tchadien Nimrod. Une écriture poétique, mélancolique. Ces nouvelles sont traversées par cette solitude qu’on retrouve chez beaucoup de personnages égarés, au sens de leur communauté. Certains marchent seuls dans la nuit noire de la ville. Sans abri. A la quête d'un fils disparu... La langue est maîtrisée. Les textes sont plutôt courts et les chutes souvent attendues. Après, il y a le bien et le mal. A vous de choisir, j’attends vos avis.
Beyrouk, Nouvelles du désertEditions Présence Africaine, première parution en 2006