Roman - 170 pages
Editions JC Lattès - mars 2019
Editions Livre de Poche - août 2020
Michka vieillit, elle ne peut plus rester seule et doit aller en maison de retraite. Son corps bien sûr perd de sa vigueur, mais le plus embêtant ce sont les mots qui se font la malle, les mots qui dansent dans son cerveau sans qu'elle n'arrive à les capturer pour les prononcer. Autour d'elle il y a Marie son ancienne voisine qui l'accompagne et lui rend souvent visite, tout comme l'orthophoniste Jérôme qui au fil de ses séances va tout tenter pour retenir la dégringolade de Michka, en entrevoyant toute la fragilité et la richesse de cette femme.
Les gratitudes est un roman touchant, touchant juste en dressant le portrait de la vieillesse contemporaine, celle qu'on cache dans les Ehpad, qu'on aurait tendance à dénigrer, celle qui peut vite mourir de solitude, d'isolement, d'oubli.
Extrait:
"Vieillir, c'est apprendre à perdre.
Encaisser, chaque semaine ou presque, un nouveau déficit, une nouvelle altération, un nouveau dommage. Voilà ce que je vois.Et plus rien ne figure dans la colonne des profits.
Un jour, ne plus pouvoir courir, marcher, se pencher, se baisser, soulever, tendre, plier, se tourner, de ce côté, puis de l'autre, ni en avant, ni en arrière, plus le matin, plus le soir, plus du tout. S'accommoder sans cesse.
Perdre la mémoire, perdre ses repères, perdre ses mots. Perdre l'équilibre, la vue, la notion du temps, perdre le sommeil, perdre l'ouïe, perdre la boule.
Perdre ce qui vous a été donné, ce que vous avez gagné, ce que vous avez mérité, ce pour quoi vous vous êtes battu, ce que vous pensiez tenir à jamais.
Se réajuster.
Se réorganiser.
Faire sans.
Passer outre.
N'avoir plus rien à perdre."Sans avoir l'air, le roman danse allègrement sur une ligne suspendue entre gravité et légèreté. Ces mots qui s'égrènent en roue libre de la part de Michka créent comme une nouvelle langue baignée de poésie et d'humour.Extrait :"J'aime pas. Il y en a une qui répond à tout, comme ça, du tic au tic. . . pas une seconde d'hésitation. À brûle-pourpoint, elle dit la bonne réponse. Elle connaît tous les mots possibles et imaginaux, elle fait la fière, tu vois, ça me tagace. Pourquoi elle vient, si elle sait déjà tout ? En plus, elle pourrait s'habiller, eh ben non, même pas, elle passe sa vie dans une robe des champs comme si c'était du plus grand choc, tu vois..."Un beau roman qui réchauffe.