Les hallucinations de l'impératrice Elisabeth (2) — Un article du Rappel (1889)

Publié le 16 décembre 2020 par Luc-Henri Roger @munichandco
Le Rappel du 27 avril 1889 reprend en le modifiant quelque peu l'article du Figaro du 24 avril. Il y ajoute cependant les réactions de la presse viennoise qui apportent un démenti à ce type d' "informations". On trouvera le démenti en fin de post. 

LA MALADIE DE L'IMPÉRATRICE D'AUTRICHE    L'impératrice d'Autriche est à Wiesbaden, mais on annonce qu'elle habite une villa située hors de la ville et que des agents de police défendent l'approche de la maison.    On commence à dire que l'impératrice est atteinte de la même forme de maladie mentale qui avait assailli son cousin, le roi Louis de Bavière : elle ne veut voir personne.    Un grand médecin de Vienne disait d'elle, il y a trois ans : « Elle est très malade ; elle est atteinte d'une maladie qui ne pardonne pas; c'est une Wittelsbach ». Et il serait facile de prouver le dire du médecin. Il y a eu, depuis cent ans, vingt-sept cas de maladies mentales dans la famille de Bavière. En ce moment même, le roi est fou et plusieurs de ses parents ou alliés ont été atteints ou portent les signes de l'attaque inévitable.    Il ne faudrait pas croire que l'impératrice ne soit malade que depuis la mort de son fils.   Voici plus de quatorze, ans, dit-on, que la maladie a éclaté. L'empereur François-Joseph sait à quoi s'en tenir depuis 1880. Il a désiré alors avoir la vérité tout entière : on la lui a dite. Les premiers symptômes ont été la manie du mouvement et les hallucinations. L'impératrice est restée pendant des années entières sans vouloir coucher au château impérial de Vienne : elle voyait le spectre de Marie-Thérèse qui la poursuivait.    Depuis la mort de Louis Il de Bavière, les hallucinations avaient pris une forme spéciale et immuable. Louis II — on sait que, dans un accès de folie, il s'est noyé — venait, et de son linceul sortait de l'eau en quantité si grande qu'elle inondait la chambre, qu'elle couvrait tous les meubles et que l'impératrice criait: « Au secours! je me noie! » Ces crises se terminaient régulièrement par un évanouissement. Puis, le lendemain, l'impératrice allait mieux et reprenait le cours de ses promenades.   Un séjour a Corfou fit, l'an dernier, le plus grand bien à l'impératrice. Il n'y eut qu'une seule crise, pendant laquelle elle déclara qu'elle voulait se retirer dans un couvent. Elle renonça bientôt à cette idée qui fut remplacée par la mono manie du poète Henri Heine ; Elle alla à Hambourg pour voir un portrait du poète.   Quand l'impératrice rentra à Vienne, elle déclara que son fils, l'archiduc Rodolphe, lui avait manqué de respect et refusa de le voir ; peu après arriva la mort de l'archiduc.    Ce fut l'impératrice qui apporta la nouvelle à l'empereur, et il ne la crut pus tout d'abord : il s'imagina que c'était là une nouvelle hallucination.    Quelques heures plus tard, on était obligé d'enfermer la souveraine dans ses appartements intimes, car elle criait : « C'est, moi qui ai tué mon fils ! »    Peu après, la cour partit pour Pesth, et la crise éclata dans toute sa force. L'impératrice ne voulut plus recevoir ses médecins ; on fut obligé de leur faire endosser des vêtements ecclésiastiques ; elle ne voulut plus manger, et on fut obligé de lui lier les mains. Puis Il y eut un moment de calme : on parla de partir pour Ischl. La malade déclara qu'elle n'irait pas si on la faisait passer par Vienne, « la ville maudite », comme elle l'appelle.    Et on passa en dehors de la capitale. Il fut même ordonné .aux chefs de gare d'éteindre toutes les lumières dans lés stations devant lesquelles passait le train : la malade ne voulait pas voir de clarté pour qu'on ne la vit point. Et le train s'en allait à toute vapeur, sombre et sans lumière !Au sujet de ce qui précède, la dépêche officieuse suivante nous est parvenue de Vienne dans la soirée :« Vienne, 25 avril.» La Wiener Abendpost dit que les étrangers donnent une preuve regrettable de brutalité et d'amour du scandale en publiant sur la vie de la famille impériale, sans égards pour les sentiments les plus sacrés du peuple autrichien, des récits absolument fantaisistes.» La Wiener Abendpost est en mesure de déclarer de la façon la plus catégorique que l'impératrice a été vivement atteinte dans ses sentiments de mère par les tragiques événements de ces derniers temps, mais que l'état général de la souveraine ne s'est pas sensiblement modifié depuis la catastrophe de Meyerling, et que toutes les nouvelles publiées à ce sujet sont dénuées de tout fondement. Il en est ansi, en particulier, de la prétendue consultation du professeur Kraftebing.

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