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Écologie : un référendum, pourquoi pas ?

Publié le 15 décembre 2020 par Sylvainrakotoarison

" La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. "
(Article premier de la Constitution de la Cinquième République).
Écologie : un référendum, pourquoi pas ?
Annonce surprise ! Le Président de la République Emmanuel Macron a annoncé qu'il soumettrait au référendum la révision de l'article premier de la Constitution de la Cinquième République. Il voudrait en effet inclure dans cet article la garantie de la préservation de l'environnement et de la biodiversité.
Revenons à l'unité de temps et l'unité de lieu. Emmanuel Macron a fait cette annonce ce lundi 14 décembre 2020, une date assez proche du cinquième anniversaire de l'Accord de Paris de la COP21 (le 12 décembre 2015). Il l'a faite, accompagnée des ministres Barbara Pompili et Marc Fesneau, à l'occasion de nouveaux échanges avec la Convention citoyenne pour le climat au Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE). C'était une sorte de suivi de la réunion du 21 juin 2020.
Disons-le tout de suite : la perspective d'un nouveau référendum est heureuse. Après l'échec du référendum du 29 mai 2005 organisé par le Président Jacques Chirac, aucun de ses successeurs n'avait osé en organiser un nouveau. L'accélération du temps politique avec le quinquennat mais aussi avec les crises plus nombreuses ( 2008, terrorisme, covid-19) et les réseaux sociaux qui renforcent l'immédiateté de l'actualité, a rendu le référendum encore plus délicat à organiser. Réutiliser cette possibilité est heureux car souvent, la mauvaise expérience d'un jour aurait pu devenir une règle tacite : celle de la prudence de ne plus risquer un "non".
En revanche, la perspective d'une révision constitutionnelle est déjà plus aléatoire. La dernière date du 23 juillet 2008 (loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008), réalisée par Nicolas Sarkozy, et était une révision très profonde de l'équilibre des institutions dans le sens d'un rééquilibrage en faveur du Parlement (droit de l'opposition, texte de base provenant de la commission, etc.) et des citoyens ( QPC) au détriment du Président de la République (limitation à deux mandats successifs).
François Hollande n'a pas pu réviser la Constitution pendant son quinquennat et c'était sage car une Constitution ne se "toilette" pas à chaque nouveau caprice présidentiel. Emmanuel Macron aussi a dû abandonner sa révision constitutionnelle en été 2018. Le problème ici, c'est de réviser l'article premier.
Cet article premier est essentiel, il définit notre République. Il a déjà été complété par deux révisions pour des "effets de mode". La loi constitutionnelle n°99-569 du 8 juillet 1999 précise : " La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. " initialement introduit dans l'article 3 et reporté à l'article premier par la loi constitutionnelle n°2008-724 du 23 juillet 2008. La loi constitutionnelle n°2003-276 du 28 mars 2003 a complété l'article premier par : " Son organisation est décentralisée. ".
On le voit : parité hommes femmes (égalité), décentralisation (les territoires !), ce sont deux sujets très importants "à la mode", évoqués ainsi sans connotations péjoratives, mais très conjoncturels. Rajouter une considération sur l'environnement, l'écologie ou le climat est aussi un sujet très "à la mode".
Le problème, c'est qu'on ouvre une boîte de Pandore. Pourquoi ne "toiletterions"-nous donc pas cet article premier complètement en retirant enfin, une fois pour toutes, le mot "race" dans la Constitution ? Il n'y a qu'une seule race, c'est l'espèce humaine, les preuves génétiques sont très nombreuses, le remplacer par "ethnie" serait plus en accord avec la science d'aujourd'hui. Il ne s'agit pas de modifier le dictionnaire mais la Constitution. Comment lutter contre le racisme en perpétuant à l'infini, par erreur historique, la notion de races au pluriel ? D'ailleurs, lors des premiers débats parlementaires sur la tentative de révision de 2018, des parlementaires ont réussi à faire adopter (quasi-unanimement) cette idée alors qu'elle n'était pas dans le texte d'origine. Pourquoi cette idée ne reviendrait-elle pas à cette occasion puisque ce projet devrait être discuté et travaillé par les parlementaires avant d'être soumis à référendum ?
Boîte de Pandore, car pourquoi ne pas réviser ou compléter les articles suivants ? Etc. Emmanuel Macron pourrait alors imposer aux parlementaires une révision "sèche", comme Jacques Chirac avait imposé un "quinquennat sec", c'est-à-dire, sans autre bouleversement constitutionnel.
Écologie : un référendum, pourquoi pas ?
D'un point de vue juridique, l'introduction d'une préservation de l'environnement risque d'avoir des conséquences inattendues particulièrement désastreuses. Première réflexion : pourquoi n'introduirions-nous pas au préalable la préservation des personnes humaines, qui me paraît prioritaire ? Elle peut sembler évidente, mais pourquoi ne pas l'inscrire dans notre texte référence ? Deuxième réflexion : les lois d'état d'urgence sanitaire (c'est un peu le même sujet que ma première réflexion) peuvent aller à l'encontre de l'environnement. L'exemple du supercongélateur pour conserver les vaccins de Pfizer/Biontech en dessous de -70°C me paraît peu porteur d'effort écologique, au contraire. Tout comme le retour du gobelet en plastique pour réduire les sources de contamination et individualiser tous les objets de la vie courante.
Troisième réflexion juridique : je ne doute pas que les lois futures seront conformes à cette préservation de l'environnement, que la révision ait eu lieu ou pas. En revanche, que dire des lois anciennes ? Depuis l'introduction des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), c'est tout notre droit ancien qui va être remodelé par une disposition nouvelle qui n'existait pas encore à l'époque des lois anciennes. Cela risque d'être le chat qui se mord la queue. Comme ces gros bâtiments publics qu'il faut rénover et mettre aux normes, mais lorsque ces travaux longs sont terminés, les normes ont changé depuis longtemps et il faut refaire des travaux de remise aux normales toujours plus contraignantes.
Certes, la phrase en elle-même ne mange pas beaucoup de pain et est un principe salutaire et qui a l'air comme cela assez simple, mais c'est toute notre législation qui risque de s'écrouler. Avant de l'adopter, il faudrait au moins évaluer les conséquences juridiques les plus importantes d'une adoption de cette révision. Cela signifie qu'il faut éviter la précipitation. Au même titre que le principe de précaution a pu tuer l'esprit de recherche et de conquête, nécessairement risqué.
Abordons enfin l'aspect politique voire politicien de l'annonce du référendum.
En premier abord, cette décision est très habile. Qui s'opposerait à un référendum ? Qui s'opposerait à une préservation de l'environnement ? Lorsque je me suis opposé au quinquennat lors du référendum du 24 septembre 2000, il n'y avait aucune connotation morale. Tout au plus me traitait-on de ringard voire d'antidémocratique (je suis assez heureux de voir que le principe du quinquennat est beaucoup moins plébiscité après vingt ans de pratique, mais ce changement restera pourtant irréversible pour plein de raisons mais ce n'est pas le sujet ici). Pour cette réforme, elle sera moralement contraignante, un peu à l'instar du mariage pour tous, si l'on était contre, on serait forcément homophobe. Faire de la morale en politique est toujours casse-cou...
Habile aussi, car Emmanuel Macron a vraiment besoin de montrer qu'il écoute le peuple. Pas seulement dans ces " grands débats" plus ou moins formatés, mais dans les urnes. Par ailleurs, c'est courageux de sa part. Un référendum n'est jamais gagné d'avance et il risque sinon la fin de son mandat, au moins sa réputation. Rappelons que dans le passé européen récent, deux chefs de l'exécutif ont quitté (définitivement) la vie politique à cause de référendums supposés habiles et imperdables : Matteo Renzi, Président du Conseil des ministres italien, le 4 décembre 2016 (sur les institutions politiques), et David Cameron, Premier Ministre britannique, le 23 juin 2016 (sur le Brexit qui n'en finit pas).
En second abord, donc, effectivement, rien n'est joué. Le TCE devait passer comme une lettre à la poste en 2005. Les Français utilisent souvent le référendum comme un défouloir pour contester l'autorité du Président de la République. Car les électeurs peuvent aussi ne pas être dupes et comprendre les arrière-pensées dans l'organisation d'un référendum, par exemple, une motivation de diversion pour une période qui va être particulièrement touchée par une crise économique et sociale. Ou le ciblage d'un électorat plutôt acquis aux écologistes qui pourraient être les vrais faiseurs de roi de 2022.
Du reste, quel serait le calendrier référendaire ? À court terme, la crise sanitaire a obligé de reporter les élections régionales et départementales à juin 2021, en sachant que la crise ne sera probablement pas terminée avant la fin de l'été 2021 et que faire campagne dans ses conditions sera très compliqué (une campagne électorale, c'est forcément rencontrer les électeurs, les toucher, les comprendre, difficile de le faire par Teams ou Zoom interposés). Organiser le référendum à l'automne 2021 ? Ce serait logique (après tout, le référendum sur le Traité de Maastricht et celui sur le quinquennat ont eu lieu en septembre). Mais ce serait déjà le début de la précampagne présidentielle, surtout si une primaire ouverte était encore organisée cette fois-ci.
Le plus vraisemblable, ce serait donc de coupler le référendum avec les élections régionales et départementales, mais cela signifierait que la campagne référendaire serait définitivement polluée par les considérations électorales des régionales, alors que l'idée du référendum est belle lorsqu'il s'agit d'organiser un véritable débat public sur la transition écologique. Sans autre considération.
Alors, le référendum sur le principe constitutionnel de préservation de l'environnement et de la biodiversité : pourquoi pas ? ou fausse bonne idée ?
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (14 décembre 2020)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Écologie : un référendum, pourquoi pas ?
Discours du Président Emmanuel Macron le 14 décembre 2020 (vidéo et texte intégral).
Discours du Président Emmanuel Macron le 11 décembre 2020 (vidéo et texte intéghral).
Convention citoyenne pour le climat : le danger du tirage au sort.
Haïti, cauchemars et espoirs.
Erika (12 décembre 1999).
Greta Thunberg, Notre-Dame la Planète (en feu).
Greta Thunberg, future Prix Nobel de la Peur ?
Rapport du GIEC sur les scénarios des émissions de CO2 publié le 8 octobre 2018 (à télécharger).
Rapport de l'IPBES sur la biodiversité publié le 6 mai 2019 (à télécharger).
Emmanuel Macron explique sa transition écologique.
Canicule de juin 2019.
Inondation à Paris.
Épisode de neige.
Circulation alternée.
La taxation du diesel.
L'écotaxe.
Une catastrophe écologique ?
Amoco Cadiz (16 mars 1978).
Tchernobyl (26 avril 1986).
AZF (21 septembre 2001).
Fukushima (11 mars 2011).
L'industrie de l'énergie en France.
La COP21.
GIEC : la fin du monde en direct, prochainement sur vos écrans !
Vibrez avec la NASA ...ou sans !
Le scandale de Volkswagen.
Le tsunami des Célèbes (28 septembre 2018).
Écologie : un référendum, pourquoi pas ?
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20201214-macron.html
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2020/12/14/38707189.html


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