Titre original : Sound of Metal
Note:
Origines : États-Unis/Belgique
Réalisateur : Darius Marder
Distribution : Riz Ahmed, Olivia Cooke, Paul Raci, Lauren Ridloff, Mathieu Amalric…
Genre : Drame
Durée : 2h02
Date de sortie : 20 janvier 2021
Le Pitch :
Ruben et Lou parcourent les routes américaines à bord de leur Airstream, enchaînant les concerts. Elle est chanteuse et lui batteur. Un duo à l’avenir prometteur qui se démène pour percer. Un jour, juste avant de prendre sa place derrière les fûts, Ruben est soudainement gêné par d’importantes acouphènes. Inquiet, presque incapable d’entendre quoi que ce soit, il se rend chez un médecin qui lui annonce que sa surdité risque fort d’être complète et définitive dans un avenir proche, tout en lui signalant l’existence d’un dispositif qui pourrait lui permettre d’entendre à nouveau. Un appareil excessivement cher et donc inaccessible…Alors que tous ses repères volent en éclats, Ruben va devoir regarder la réalité en face. Sa réalité…
La Critique de Sound of Metal :
Scénariste de l’excellent The Place Beyond the Pines, Darius Marder revient plus de 10 ans après son premier film en tant que metteur en scène, le documentaire Loot, avec Sound of Metal. Film produit entre les États-Unis et la Belgique, focalisé sur un batteur de metal subitement atteint de surdité… Un drame à la fois touchant et viscéral, admirablement porté par Riz Ahmed…
Deaf forever
Il convient de commencer par souhaiter que Sound of Metal, qui est à l’heure où cet article est publié, toujours prévu pour une sortie au cinéma le 20 janvier 2021, ne soit pas réduit au silence par la crise sanitaire. Car il apparaît évident, à la vision de cette tragédie contemporaine sur le lâcher-prise (entre autres thématiques) que cette dernière mérite d’être vue dans des conditions optimales. Car le métrage est visuellement plus qu’à son tour intéressant, plein de partis-pris tantôt audacieux, tantôt plus attendus mais sans cesse fascinants, mais aussi et surtout car le traitement sonore lui confère une identité véritablement à part. Immersif… C’est le premier mot qui vient à l’esprit après la projection. Après avoir passé un peu plus de 2 heures aux côtés de ce musicien en pleine ascension, stoppé net par un grave problème de surdité, à travers le lequel nous percevons le monde, son monde, d’une toute nouvelle façon.
C’est l’une des grandes forces de Sound of Metal : prendre le spectateur par la main et lui faire ressentir les émotions et in fine, la détresse de Ruben, le personnage principal joué par Riz Ahmed. Quand survient le choc, la première acouphène, et que le volume diminue d’un coup, sans crier gare… Quand le monde se dérobe sous les pieds de ce batteur plein de rage, amoureux et déterminé. Cet ancien addict qui a su se réinventer et qui va, une nouvelle fois, devoir trouver en lui la force nécessaire pour avancer et ne pas sombrer.
Immersion dans le silence
Impossible alors de ne pas louer le travail de l’ingénieur du son Nicolas Becker, qui après avoir bossé sur Gravity ou encore Premier Contact, accomplit ici une véritable prouesse, rendant la surdité de Ruben « tangible » pour nous, les spectateurs. Un travail qui vient nourrir une dynamique d’ensemble, qui, entre autres choses, s’intéresse à ces personnes privées de musique et de sons, mais dotées d’une authentique résilience. Résilience leur ayant permis de se retrouver pour entrevoir la vie peut-être différemment que la majorité des gens sans pour autant se couper du monde, exploitant leur nouvelle condition pour s’affirmer de bien des manières.
Le travail de Nicolas Becker donnant un véritable écho à l’écriture, elle qui, sans chercher à révolutionner quoi que soit, à travers une histoire simple et linéaire, épurée et sincère, parvient à dire beaucoup plus que bien d’autres qui auraient peut-être exploité le postulat pour finalement tomber dans le mélo et les clichés.
Song for the deaf
S’il coche certaines des cases du parfait film indépendant calibré pour Sundance, Sound of Metal parvient néanmoins aussi à se démarquer. Notamment grâce à sa touche européenne. Un film qui ne ressemble qu’à lui même, trouvant son rythme dans cette mélancolie à l’écran magnifiquement traduite par Darius Marder et par les acteurs, Riz Ahmed, formidable de bout en bout, et Olivia Cooke, parfaite elle aussi, en tête de liste. Deux comédiens en harmonie avec une histoire d’amour qui nous parle de résistance, d’acceptation, d’isolement et d’ouverture sur les autres. Sans tomber dans le pathos, en faisant preuve d’une sensibilité certaine mais parvenant à conserver un bel équilibre tout du long, Sound of Metal parvient à l’arrivée à slalomer entre les clichés pour faire entendre sa voix. Une voix tour à tour puissante et claire ou plus ténue, mais toujours présente. Une voix qui touche et qui porte.
En Bref…
Immersif, émouvant et juste, Sound of Metal est une réussite indéniable. Un film qui sonne avec puissance, dont l’une des grandes prouesses est d’arriver à nous faire partager la détresse de son protagoniste principal, sans sombrer dans le mélo, misant sur les nuances et sur ces choses qui parfois, se perdent dans le brouhaha ambiant. Sound of Metal qui finit par se concentrer sur l’essentiel, suivant sa propre cadence, avec la puissance des meilleurs films indépendants américains et cette honnêteté parfois brutale inhérente aux fleurons du cinéma européen.
@ Gilles Rolland