Chroniques d’un anthropologue au Japon (30)

Publié le 09 décembre 2020 par Antropologia

Arracheurs de dents

En février dernier, ils avaient finalement annoncé qu’il faudrait s’occuper des deux dents du fond, en haut à droite. Je n’ai pas encore mal, mais cela ne saurait tarder. Preuves à l’appui, une radio, que je ne saurais interpréter moi-même de toutes façons. Je prends rendez-vous et reviens une semaine plus tard. Trente minutes d’attente, l’assistante m’installe sur le siège inclinable. Le dentiste arrive, relève le siège et part dans une longue explication sur les avantages d’une intervention au laser. La carie peut être détruite en profondeur, sans trop abimer la dent. L’opération prendrait quelques minutes, et serait indolore. L’intervention ne serait pas couverte par la sécu, mais le total, 10000 yens, ne serait pas bien éloigné de la somme des trois fois nécessaires pour une opération classique ; 3000 yens chaque fois, la sécurité sociale remboursant 70% des frais. Fatigué, je finis par accepter. Il faut prendre de nouveau rendez-vous. Dix jours plus tard. L’assistante m’installe. Le dentiste porte des lunettes de plongée télescopiques. Ils me couvrent le visage de protections. Je ne suis plus qu’un rat de laboratoire. L’opération commence. Bien sûr le docteur a menti. L’intervention dure presque une heure, et n’est pas indolore. L’odeur de cochon grillé qui émane de mes dents brûlées au laser est également fort désagréable. Mais tout a une fin, et je remercie le dentiste de me laisser rentrer chez moi.

Six mois plus tard, je déménageais. Et je changeais de dentiste. Même cérémonie, je passe au détartrage, puis à la radio. Je n’ai mal nulle part, et j’espère rentrer chez moi rapidement. Les assistantes me laissent seul quelques minutes, puis le docteur arrive, avec les radios. Il a l’air embarrassé, et cherche ses mots pour m’expliquer que tout ne va pas bien dans ma bouche. Les deux dents du fond, en haut à droite sont dans un sale état. Je lui explique que je viens de passer au laser et que ce n’est pas possible. Il rétorque que ce n’est pas vraiment une technique au point, et que lui, me recommande la roulette traditionnelle. J’essaye de négocier, mais les radios sont là, et ne sachant toujours pas les lire, je me soumets.

Les caries ont finalement été détruites, et le dentiste semble satisfait. Les dents, jadis cariées mais indolores, sont aujourd’hui saines mais douloureuses. J’espère que le mal, invisible aux rayons X, s’atténuera avec le temps.

Rémi Brun