Pour les livres de Richard Palachak, c'est par ici : KALACHE, VODKA MAFIA, TOKAREV
Photo de Simon Woolf
Fragment 3
Un malingrot piètre et dégénéré ramène sa fraise. Il agrippe une misérable boutanche en plastoc et deux verres à flotte. Et mon Boris cuisine le pov' type histoire de savoir s'il y a eu des évasions en son absence. RAS. Pas un fagot n'a décarré. Satisfait, le patron le somme de remplir nos godets. Le claquedent s'exécute en tremblant comme de la gelée de coing dégradée. Deux seuls mots à la bouche : « Oui maître. » À vent de cul, Boris lui dit de dégager puis il se plonge dans l'océan du net. Il enchaîne les chansons tziganes sur Youtube, y allant de son couplet tel un aveugle écorché. Au bout d'une heure de rossignolage, il marque une pause et me lance :
Peut-être que ce projet majestueux m'évite d'être asservi sous le joug de mon négrier rondouillard. Il est dorénavant question d'arroser l'affaire en cochons slaves qui se respectent. On va dans un restac où dix adroits du coude nous rejoignent, et pi sur une terrasse où vingt autres aboulent, et pi dans une discothèque où cinquante autres amènent leurs bidoches... Ainsi de suite jusqu'à six heures du matin, quand je compte une centaine de nouveaux zigs au compteur, une beurrade à deux doigts du coma roule-par-terre, et sinon je recolle plus les morceaux. Kieski m'a repiloté jusqu'à Sènètse ? Comment j'ai rebecté mon hôtel ? Grâce à quel sortilège imbitable ai-je retrouvé la clé de ma chambre ? La seule chose qui me revient, c'est la violence avec laquelle je me suis bûché sur une table de chevet scandinave, et les bouilles sidérées de mes deux petits loupiots somnolents.
Richard Palachak
© Black-out