Consumés par nos blessures secrètes nous traversons le siècle.
Rarement nous levons encore nos regards
vers les rivages verdoyants du paradis,
ensuite nous baissons la tête encore plus tristes qu’avant.
Pour nous le ciel est verrouillé et verrouillées sont les cités.
En vain les chevreuils viennent boire dans nos mains,
en vain les chiens s’agenouillent devant nous,
nous sommes désespérément seuls au mitan de la nuit.
Amis qui m’accompagnez,
buvez du vin, réchauffez-vous,
répandez vos regards sur les choses.
Nous ne sommes que des porteurs de chants
sous le noir terreau des cieux,
rien que des porteurs de chants
devant la fermeture des portails,
mais nos filles enfanteront Dieu
ici même où la solitude aujourd’hui nous tue.
*
Noi cantaretii leprosi
Mistuiti de rani launtrice ne trecem prin veac.
Din cand in cand ne mai ridicam ochii
spre zavoaiele raiului,
apoi ne-aplecam capetele in si mai mare tristete.
Pentru noi cerul e zavorat si zavorate sunt si cetatile.
In zadar caprioarele beau apa din manile noastre,
in zadar canii ni se inchina,
suntem fara scapare singuri in amiaza noptii.
Prieteni, cari stati langa mine,
incalziti-va lutul cu vin,
desfaceti-va privirile peste lucruri.
Noi suntem numai purtatori de cantec
sub glia neagra a tariilor,
noi suntem numai purtatori de cantec
pe la porti inchise,
dar fiicele noastre vor naste pe Dumnezeu
aici unde astazi singuratatea ne omoara.
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Lucian Blaga (1895-1961) – L’Etoile la plus triste (Orphée/La Différence, 1992) – Traduit du roumain par Sanda Stolojan.