Innovation oblige, c'est une variante « digitale » que met en œuvre NatWest dans 178 de ses agences, à titre expérimental (?), avant une éventuelle généralisation l'année prochaine. Développée par Qudini, un partenaire de longue date qui lui fournit notamment sa plate-forme de gestion de rendez-vous, la solution permet au visiteur de prendre place dans la queue virtuelle par la capture d'un code QR sur son téléphone. Il obtient alors une estimation du temps d'attente et, s'il le juge trop long, il a tout loisir de vaquer à d'autres occupations et demander à recevoir une alerte par SMS à l'approche de l'heure prévue.
Mais cette modernisation du concept ne peut masquer la terrible régression sous-jacente. En effet, le facteur qui motive, apparemment, la mise en place du système est l'affluence excessive observée depuis plusieurs mois dans certains points de vente. Alors même que l'adoption des applications web et mobiles est en forte augmentation, largement encouragée par la banque, faut-il le préciser, les mesures sanitaires actuelles mettent en évidence un dépassement inquiétant des capacités d'accueil.
Or, quand les institutions financières sont engagées depuis des années, avec une vigueur particulière au Royaume-Uni, dans de vastes programmes de fermeture d'agences, sous prétexte de fréquentation insuffisante, le constat a de quoi surprendre ! Et il n'est pas question ici d'un quelconque besoin des clients de consulter leur interlocuteur privilégié afin d'obtenir des conseils d'expert sur des sujets complexes, puisque ces entretiens spécialisés sont désormais soumis, souvent, à une prise de rendez-vous préalable.
Alors qui sont ces personnes qui se rendent encore en masse dans les agences bancaires… et vont devoir patienter un long moment avant d'être reçues, dans le seul but de réaliser une opération simple ? Serait-il possible que l'inculture numérique soit encore aussi répandue dans la population ? Il serait assez cocasse, si tel était le cas, de répondre à cette difficulté avec un outil de gestion de queue requérant lui-même un minimum de compétences dans la manipulation d'un logiciel sur smartphone !
L'autre hypothèse qu'il faut bien finir par envisager est celle d'une tragique défaillance « digitale » de l'entreprise. Pour l'exprimer différemment, la situation révèle un décalage sévère entre les attentes des clients vis-à-vis de leur banque et les moyens que leur procure celle-ci pour les combler. D'un côté, ses applications n'y suffisent pas, soit qu'elles n'offrent pas les fonctions nécessaires, soit qu'elles soient déficientes en terme d'expérience utilisateur. De l'autre, son réseau ne parvient pas à compenser le déficit.
Avec son initiative, NatWest tente de parer au plus pressé, qui plus est avec un palliatif qui ne résout rien sur le fond. Au vu des symptômes, il semblerait pourtant extrêmement urgent de se pencher sur les origines profondes des problèmes rencontrés par les consommateurs. Et, à n'en pas douter, bien d'autres établissements pourraient aussi s'interroger sur le « succès » de leurs implantations physiques au lieu de se contenter de croire, sans le vérifier sérieusement, qu'il traduit une envie de contact humain.