On pouvait donc déambuler virtuellement dans une salle où étaient présentes une cinquantaine de galeries dont 18 internationales, chacune exposant une dizaine d’oeuvres. Plus de 500 donc, sculptures, illustrations, peintures, art moderne et contemporain, dessins du XVIIIe siècle ou arts décoratifs. Chaque oeuvre était assortie d’une fiche explicative, ainsi que des données permettant d'entrer en contact avec les marchands. On pouvait notamment découvrir des œuvres rares telles que le Masque mortuaire de Paul Verlaine de la galerie Trebosc&Van Lelyveld, une peinture de Soulages, "Scène de plage" d’Eugène Boudin proposée par la galerie de la Présidence, des candélabres du XVIIe siècle ou encore un pastel signé Elisabeth Vigée Le Brun, dessin préparatoire à son tableau "Junon demandant à Vénus de lui prêter sa ceinture".
Mais le clou du salon fut un tableau mis en vente par la galerie new-yorkaise de Jill Newhouse "Teuraheimata a Poturu", est une huile sur toile, 49,4 x 38,4 cm, de Paul Gauguin, datée de 1891, une des rares oeuvres réalisées par le peintre lors de son premier séjour en Polynésie. Elle a suscité tout de suite de nombreuses interrogations même si elle est accompagnée de trois attestations successives du Wildenstein Institute, puis du Wildenstein Plattner Institute, établies de 2015 à 2018. Lesquelles la donnent comme authentique. Le tableau était détenu depuis 1940 par un collectionneur américain. L’œuvre avait été achetée en 1895 par le collectionneur Edouard Paulin Jenot, sous-lieutenant de la Marine, voisin de Gauguin à Papeete, chez qui il aurait pris des leçons de peinture. Puis "Teuraheimata a Poturu" a connu plusieurs propriétaires, elle a été exposée une seule fois dans un musée, à Cleveland en 1942. Jusqu’à maintenant, la seule reproduction connue de l’oeuvre était une photo en noir et blanc détenue par les Franco-Américains Wildenstein, elle a paru dans un catalogue de 1964.
La Courtauld Gallery de Londres a acquis pour environ 7,1 millions d'euros "Avant et Après" un cahier-manuscrit de 213 pages renfermant 30 dessins originaux de Paul Gauguin. Après la mort du peintre le 8 mai 1903 à Hiva Ova aux îles Marquises, son ami le critique belge André Fontainas recueille le manuscrit avec l’espoir de le voir publié. Il n’en fut rien. En 1907, il le remet à Mette Gauguin, ex-femme de l’artiste qui le vend en 1914 à l’éditeur allemand Kurt Wolff. Ce dernier réalise un fac-similé du manuscrit en 1918, avec un petit tirage. En 1920, il est traduit en allemand par Erik-Ernst Schwabach, riche éditeur qui le vend à son tour à Erich Goeritz, propriétaire d’une usine de textile. En 1934, ce dernier fuit l’Allemagne et s’installe en Grande-Bretagne. Riche d’une importante collection d’impressionnistes et d’expressionnistes allemands, il fait don de plusieurs œuvres à la Tate et au British Museum, mais le cahier de Gauguin n’en fait pas partie. Après sa mort en 1955, "Avant et Après" réapparaît chez le marchand new-yorkais John Fleming de la galerie Rosenbach. Le manuscrit est alors estimé 85 000 $. Il est rendu à la famille de l’artiste après une action menée en justice. En 2020, l’un des petits-enfants de Gauguin le cède à la Courtauld Gallery en lieu et place de droits de succession.
"Avant et Après" comporte 8 pages de dessins pleines pages, 19 impressions monotypes, trois estampes japonaises d’Utagawa Kunisada et une estampe d’Albrecht Dürer "Le Chevalier, la Mort et le Diable" de 1513. On y trouve également plusieurs croquis du peintre, dont un autoportrait. Il y a de nombreuses anecdotes et critiques des artistes du temps, des réflexions et commentaires sur la société française de Polynésie il évoque aussi Van Gogh. Ketty Gottardo, conservatrice du cabinet des dessins de la Courtauld Gallery, considère "Avant et Après" comme étant "en partie des mémoires, en partie un manifeste".
La pièce sera exposée au printemps prochain, lors de la réouverture de la Courtauld Gallery.
En attendant cette belle découverte, on peut voir une présentation du manuscrit sur le site de la Courtauld Gallery.
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