Little Compton, 1920. Olivia Curtis anglaise de 17 ans se réveille ravie au matin de son anniversaire, non seulement à la perspective de cette journée particulière, mais aussi parce qu'elle va assister prochainement à son premier bal chez Lady Spencer. Elle sait qu'elle sera supplantée par sa sœur ainée Kate, très courtisée, mais se réjouit néanmoins de cette première incursion dans le monde. Elle appréhende aussi les mois à venir puisque Kate prévoit de s'installer loin d'eux, à Paris.
Rosamund Lehmann n'épargne guère cette bourgeoisie anglaise errant entre oisiveté et superficialité. Le bal, tellement détaillé presque minute par minute, constitue une immersion totale dans cet univers oscillant entre solitude et paraitre. Les relations et discussions vides s'enchainent, mais quelquefois, au détour d'une conversation, une sincérité pure et troublante se fait sentir.
Le style rend admirablement les sensations et sentiments ressentis par les personnages, prouvant combien l'auteure est douée d'une faculté à comprendre et retranscrire les affres de l'adolescence bourgeoise, entre fébrilité et angoisse vague.
Dix ans après L'Invitation à la valse Olivia a mûri, elle s'est mariée puis a divorcé et elle retrouve ici Rollo. Le riche fils de Lord Spencer a épousé la belle Nicole, mais la jeune femme s'avère asse décevante. Rollo et Olivia retrouve la complicité qui avait été la leur lors du bal.
Il est intéressant de lire les deux romans à la suite pour bien comprendre et observer les changements intervenus chez Olivia, et pour mieux appréhender la société de l'époque dans sa globalité. A l'adolescence pleine d'illusion, de cet espoir vague mais néanmoins troublant, succède les déconvenues mais aussi les choix plus assumés. La vie de la jeune femme sort des chemins battus, puisque non seulement elle n'a pas d'enfants, mais qu'elle est surtout célibataire après un divorce, vivant avec sa cousine. Olivia travaille aux côtés d'une photographe, elle fait figure d'exception dans cet univers oisif. Elle s'échappe des carcans bourgeois pour créer sa propre voie, féministe avant l'heure avec les risques et les souffrances que cela implique, assumant ses désirs.
Je recommande cette peinture caustique de l'entre-deux-guerres !