L'essence de la plénitude de Vimala Thakar

Publié le 04 décembre 2020 par Eric Acouphene

Un nouveau livre qui présente neuf conférences et une discussion de Vimala Thakar vient de paraître aux éditions Accarias l'Originel. Il est vraiment très intéressant et unique. En voici un extrait qui correspond au début de la première conférence :

...C’est ainsi que la science et la technologie se sont développées en Occident de façon stupéfiante.
C’était la préoccupation de l’Occident de transformer les schémas extérieurs de la vie, les structures sociales, les modèles économiques, les structures monétaires, les organisations politiques, administratives, etc.
Ainsi, les Occidentaux se sont impliqués dans la transformation des paradigmes externes de la vie, sans accorder beaucoup d’attention à la qualité du comportement individuel et à la qualité de la conscience individuelle, et sans se sentir très concernés.

Il y a eu ces deux façons d’approcher le problème de l’indispensable transformation.
Il va sans dire que les conditions de vie actuelles de l’individu sont juste insupportables. L’homme sait comment voler dans les airs comme un oiseau, il sait comment nager dans les eaux comme un poisson. Mais comme Bertrand Russel le soulignait il y a déjà longtemps, il ne sait pas comment vivre sur cette terre en tant qu’être humain, dans l’amour, la paix, l’harmonie.
L’amour, la paix et l’harmonie en lui-même, avec son mental, avec la totalité de son être.
Il ne sait pas non plus comment vivre spontanément. L’élégance de la spontanéité, la beauté de l’humilité et de l’innocence sont quelque chose que nous rencontrons rarement.
Dans nos rapports humains, nous passons à côté de l’atmosphère d’amour, d’amitié et de paix.
Nous pouvons parler au nom de l’amour et de la paix, toutes les religions font ça. Mais l’homme n’est pas encore suffisamment mature pour vivre en harmonie et en amitié avec ses compagnons humains. Cela est notre véritable défi.

Je sais bien qu’il y a des problèmes de famine et de misère en Asie et en Afrique, et à moins que la famine ne soit éradiquée, vous ne pouvez pas parler de religion et de spiritualité sur ces continents.
La priorité est de conduire les êtres humains du statut de sous-humains à un niveau humainement décent.
Il y a aussi le problème de la violence. Mais les problèmes politiques et économiques m’apparaissent comme les symptômes d’une maladie plus profonde. Ils sont les symptômes d’une profonde pathologie enracinée dans la conscience humaine, et à moins d’arracher les racines de cette maladie chez l’individu, non pas en s’isolant, non pas en se retirant de la vie sociale, mais au cœur même du champ de bataille de la vie quotidienne ; à moins d’arracher les racines ici même, à moins de trouver une façon de nous développer hors des puissantes tendances animales, des passions aveugles, des pulsions au sein même de notre quotidien, ces symptômes ne pourront s’éliminer d’eux-mêmes. Faites ce que vous voulez : elles ne peuvent être éliminées en endoctrinant les gens par de nouvelles façons de penser et de nouvelles façons de se comporter.

Nous nous sommes complu dans l’organisation de la pensée, la systématisation des sentiments et des émotions, la standardisation et l’endoctrinement de la pensée et des sentiments depuis des siècles. Nous aborderons ce point plus tard dans notre entretien. Mais il apparaît qu’alimenter le cerveau humain de nouveaux contenus physiques et psychologiques n’a pas beaucoup aidé l’humanité à éradiquer la domination, la violence, la brutalité, l’insensibilité, etc.
Aussi, ceux qui se sentent réellement concernés par cette crise dans la conscience humaine devront s’asseoir tranquillement et réfléchir à l’ensemble de la question avec beaucoup d’attention. La difficulté est de trouver et de maintenir cette qualité de sérieux qui nous permettra d’examiner en profondeur la question, sans choix, sans préjugé intellectuel ou émotionnel. Maintenir cet engagement sérieux est très difficile, car nous avons l’habitude de vivre à la surface de la conscience, à un niveau superficiel. Quand nous tombons sur un problème qui provoque des émotions, nous sommes perturbés quelques minutes, puis ce dynamisme s’estompe, et nous retournons à notre routine quotidienne

-------Vient de paraître « L’essence de la plénitude » de Vimala Thakar. Ce livre est unique en son genre : Vimala Thakar, qui combinait action sociale et partage de sa découverte de la dimension spirituelle, au-delà des limites du mental, répond à une invitation de venir rencontrer des gens et s’adresser à eux à Ceylan, en 1971. Le thème central est la nécessité d’une Révolution Totale, simultanément en soi-même et dans le monde. Elle brosse un tableau d’ensemble de la situation de l’être humain (toujours d’actualité), de son conditionnement, de la place prise par les concepts et les symboles, de l’autorité, et avance qu’à ses yeux, une quête, un éveil, ne peut se vivre que dans notre vie quotidienne, au milieu des gens et de nos responsabilités. Elle évoque la dimension non cérébrale, non mentale, cette dimension non duelle qui transforme en profondeur ceux qui la découvrent. Elle nous parle de l’art d’observer, de la méditation (non comme activité mentale, mais au contraire comme état d’être). Vimala, outre son propos spirituel, va également puiser dans son expérience d’acteur social, d’intellectuelle ayant profondément réfléchi aux questions de l’organisation sociale, des rapports humains, des styles de gouvernance. Laissez de côté vos préjugés, vos opinions, et plongez-vous dans ces pages l’esprit grand ouvert, à l’écoute… La joie que vous êtes vraiment lorsque les petits jeux du moi et du mental sont en veilleuse, vous submergera.************Dans son petit livre autobiographique "Un éternel voyage" écrit en 1966, Vimala Thakar fait le récit magnifique et émouvant de ses rencontres et expériences avec Krishnamurti. En 1959, ses oreilles commencèrent à lui causer de terribles soucis, provoquant saignements, fièvre et des douleurs insupportables. Après une opération sans succès, fin 1960, elle se résigna à mourir et se prépara, tout en se sentant intérieurement d'un calme étrange et impénétrable. Son dernier espoir était d'aller en Angleterre pour consulter des spécialistes. À ce moment, elle revit Krishnamurti qui lui proposa son aide. Il lui dit que sa propre mère lui avait souvent dit que ses mains avaient un pouvoir de guérison. Cette offre la rendait perplexe, car elle craignait de compromettre la pureté de sa révérence et de son affection pour lui comme enseignant en devenant son obligée. Mais après réflexion, elle accepta son offre et fut immédiatement soulagée par l'imposition de ses mains. La fièvre et les saignements cessèrent, et elle ressentit une libération précieuse de la douleur. Après quelques nouvelles séances, sa faculté auditive redevint normale.Vimala se rendit quand même en Angleterre où les spécialistes confirmèrent sa guérison, et alla se reposer en Suisse sur l’invitation de Krishnamurti. Elle passa quelque temps avec lui à Gstaad. Elle souhaitait comprendre ce qui s’était passé lors de sa guérison. Au même moment, elle faisait l'expérience d'un grand bouleversement de conscience. Elle écrit : "Quelque chose en moi a été libéré et ne peut plus supporter des barrières. L'invasion d'une nouvelle conscience, irrésistible et incontrôlable... a tout balayé."Persuadée que ce changement était aussi lié à sa guérison, son sentiment d’une dette envers Krishnamurti la mettait mal à l’aise. Il dut la convaincre que cela n’avait aucun rapport et que lui-même ne savait pas comment cette guérison s’était produite. Il lui dit : "Tu as écouté les paroles. Ton esprit est sérieux. Les paroles ont pénétré profondément ton être. Elle agissent depuis toujours. Un jour tu as réalisé la vérité. Qu’ai-je fait ?... Pourquoi en faire une histoire?" . (cité par Patrice Gros)
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