La modique somme de deux millions de Fcfa débloquée par le Cabinet civil de la présidence de la République pour l’organisation du dernier voyage du Commandant Kissamba est à l’origine des incompréhensions et des batailles au sein de la famille du défunt.
Danse macabre autour de la dépouille d’un nationaliste ? On n’est pas très loin de cette image. Les nouvelles en provenance de la famille de René Jacques N’gouo Woungly Massaga ne sont pas pour rassurer que la cérémonie d’adieu qui démarre le 17 décembre prochain, sera un long fleuve tranquille. Alors que l’heure est aux préparatifs des obsèques de l’homme politique qui a rendu l’âme le 17 octobre dernier, le nerf de la guerre s’invite dans les débats pour provoquer des querelles et des batailles à n’en plus finir. De quoi décréter la seconde mort du regretté nationaliste upéciste qui attend de retourner auprès de ses ancêtres dans son Lolodorf natal. Tout a commencé lorsque Thierry Marcel Massaga, neveu du défunt et non moins président du Comité d’organisation des obsèques, est reçu en audience au cabinet civil de la présidence de la République le vendredi 27 novembre 2020.
Les échanges entre le visiteur et ses hôtes apprend-on, portent essentiellement sur « les préparatifs des obsèques et notamment sur la mobilisation des élites de l’Océan. On voulait savoir si les élites contribuaient à la réussite de ces obsèques. Et effectivement, depuis quelques jours, elles se sont mobilisées. Le commandant Kissamba n’appartient pas seulement à la famille. Déjà de son vivant, il ne parlait que du Cameroun, de l’Afrique en général et du monde, c’est d’ailleurs l’occasion pour moi de lancer un vibrant appel à tous ceux qui avaient de l’estime pour jouer leurs partitions pour le bon déroulement de cet événement malheureux grandeur nature », confie-t-il. Surpris par le montant de l’enveloppe en rapport avec l’icône que fut son oncle et ses rapports avec le Chef de l’Etat, l’homme prend quand même le paquet et se dit que l’aide du président de la République ne se limitera pas à un simple appui financier. « J’ai effectivement reçu une enveloppe de deux millions Fcfa comme contribution du Cabinet civil mais je sais que beaucoup d’autres actions seront menées dans le but de rendre un bel hommage au commandant», lâche Thierry Massaga, convaincu dans le même temps que les autorités prendront des mesures adéquates pour célébrer la mémoire de ce monument de la lutte pour les indépendances.
Non à la récupération politique Mais c’est sans savoir que la fameuse enveloppe qu’il a reçu du N’nomgui, serait à l’origine de vives contestations autant au sein de la famille que dans les rangs des élites et autres forces vives de l’Océan pas convaincues du montant déclaré par le brave neveu du panafricaniste. Entre procès d’intention, accusations et menaces de bannissement, le nom du jeune homme est sur toutes les lèvres. D’aucuns vont même jusqu’à tenter de le destituer du Comité d’organisation parce qu’il aurait « menti sur le montant qu’il a effectivement reçu au Cabinet civil ». Joint au téléphone hier mardi 1er décembre par nos soins, Thierry Massaga persiste et signe : « j’ai déclaré ce que j’ai reçu. On ne m’a jamais remis 50 millions Fcfa comme le laisse croire une certaine rumeur répandue par des esprits mal intentionnés. L’heure n’est pas à la
polémique ; je n’ai pas le temps à répondre aux procès inutiles. Lorsque le Commandant Kissamba était malade, abandonné et isolé pendant ces dernières années de vie sur terre, je n’ai eu pour seul soutien que la présidence de la République. Je n’ai pas vu ceux qui tentent aujourd’hui, de faire de la récupération politique. J’espère que les élites se battront pour donner des obsèques dignes à ce dernier survivant de la lutte pour l’indépendance et de la réunification que fut mon oncle », argue-t-il.
En rappel, le triduum des 17, 18 et 19 décembre 2020 est retenu pour l’organisation des obsèques officielles et patrimoniales du regretté nationaliste Upeciste. La mise en bière est prévue à l’hôpital central de Yaoundé le 17 décembre suivie d’une veillée à la paroisse Epc-Adna (Yaoundé). Le 18 décembre, la dépouille mettra le cap sur Lolodorf et le 19 décembre, le défunt ira rejoindre ses ancêtres pour l’éternité.
Né le 26 janvier 1963 à Yaoundé, et père de 05 enfants, l’homme, après ses études primaires à Eséka et à Lolodorf, secondaires au collège de Die (Drôme), et supérieures à la faculté des Sciences de Clermont-Fernand en France, s’inscrit à la Sorbonne en 1960 pour obtenir une thèse de doctorat en Mathématique. Chemin faisant, il lance en 1972 le courant du Manidem et la formation des cadres pour la reconstruction de l’Union des populations du Cameroun (Upc) entre autres.
Renaissance africaine
C’est alors que dans son sens de panafricanisme, il répond à l’appel de rassemblement idéologique et politique lancé par le président Paul Biya au tout début de son magistère dans les années 80. Commandant Kissamba va alors rentrer au Cameroun, avec la ferme conviction et le fervent engagement de se mettre résolument au service de son pays. Nation dont il a, tout au long de son parcours et en dépit des nombreuses contrariétés inexpliquées subies, gardé fièrement la nationalité et honoré le pacte de la citoyenneté camerounaise. N’ayant plus aucun compagnon d’armes en vie, au moment où il quitte la scène, il est pour la jeune génération, un mythe. Mais surtout une figure légendaire qui aura pris part à la première éruption de la renaissance africaine, plus connue sous la doctrine militaire du panafricanisme. C’est pourquoi son nom et son œuvre sont intimement liés aux autres grandes figures telles que Kwame Nkrumah, Modibo Keita, Ahmed Sékou Touré, Ruben Um Nyobe, Agosthino Neto, pour ne citer que quelques-uns parmi les plus illustres.