"Parfois, il est sali" (allusion à la phrase de Maradona,
lorsqu'à ses adieux à la carrière de joueur, il a présenté
ses excuses pour ses comportements déviants
en expliquant que le ballon lui n'avait pas été sali :
"la pelota no se mancha"
(voir mon article du 7 octobre 2009 sur cette citation)
Vendredi, en Australie, juste avant leur match contre les Pumas
argentins, le beau geste chevaleresque des All Blacks a ému le monde entier (voir mon article de samedi dernier) mais il a
eu assez peu d’effet sur les Pumas eux-mêmes dont la froideur à
cette occasion a choqué leurs compatriotes, d’autant plus que
Maradona, de son côté, patriote comme pas deux, admirait cette autre équipe nationale qui fait briller les
couleurs argentines à travers le monde. L’opinion publique en a
été assez frappée, tant et si bien que le résultat du match
lui-même, désastreux pour l’Argentine, est très vite passé au
second plan, tout le monde relevant ce manque d’émotion et
s’interrogeant sur ce qu’il signifiait surtout de la part d’une
équipe nationale engagée à l'étranger dans une compétition internationale.
Le gros-titre est contre Cristina Kirchner
mais la photo met au pilori les trois rugbymen !
Cliquez sur l'image pour une haute résolution
En Argentine, le rugby est, depuis toujours, un sport de l’élite sociale et économique, comme le golf et le polo. Très longtemps il n’a été pratiqué que dans des écoles privées d’origine britannique par des fils à papa qui regardaient de très haut le reste de la société. Très longtemps, il a été commun que les clubs de rugby soient interdits, tacitement ou par écrit dans les statuts ou le règlement intérieur, à telle ou telle catégorie de personnes, notamment les juifs.
Cet
été, le 18 janvier, le rugby a montré l’une de ces facettes pour
le moins odieuses lorsqu’un groupe de pratiquants de ce sport, des
jeunes gens tous au début de la vingtaine, tous très arrogants, ont
assassiné, en meute, un autre jeune homme qu’ils ont insulté et
assailli pour la seule et unique raison qu’il était homosexuel et
qu’ils ont massacré en s’acharnant sur lui, au moment où il
sortait de boîte dans la nuit estivale. On attend la comparution au
tribunal de huit d’entre eux, deux autres ayant été mis hors de
cause par l’instruction, ce qui a provoqué bien des commentaires
désobligeants sur la justice et la manière dont elle est rendue.
En haut, première visio-conférence de Alberto Fernández avec Joe Biden
en bas, le scandale des Pumas
cliquez sur l'image pour une haute résolution
Or hier soir, brutalement sont ressortis publiquement des tweets postés il y a huit ou neuf ans par trois des joueurs de la sélection nationale de rugby dont le capitaine, qui joue au Stade Français, Pablo Matera (1). Dans les tweets incriminés, les trois hommes tiennent des propos racistes, antisémites et xénophobes. Deux d'entre eux ont présenté des excuses mais le scandale est plus que grand en Argentine.
La
fédération argentine de rugby (UAR) a aussitôt sanctionné les joueurs
incriminés. Ils ont tous trois été suspendus de l’équipe
nationale et ils passeront en commission disciplinaire dès leur retour
au pays. Samedi prochain, l’équipe jouera sans eux. La presse
considère qu’ils sont d’ores et déjà exclus de la sélection
nationale et il est plus que probable en effet qu'ils ne pourront
plus jamais y jouer.
C'est la une la plus discrète sur le sujet
mais il est bien là : en bas à droite
La photo illustre le début de la saison estivale
pendant laquelle le masque restera obligatoire
Cliquez sur l'image pour une haute résolution
Ce matin, le scandale figure à la une de tous les journaux nationaux, y compris La Nación, qui est le quotidien de la classe sociale qui est le berceau de la discipline en Argentine. La crise ne fait sans doute que commencer. La discipline va probablement devoir faire le ménage dans ses traditions, ses recrutements, ses pratiques quotidiennes dans les clubs locaux, etc.
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour
aller plus loin :
lire l’article de La Pensa
lire l’article principal de Clarín
lire l’article principal de La Nación
(1) Il aura d’ailleurs à s’expliquer devant les instances disciplinaires lorsqu’il sera de retour à Paris. Aussitôt le scandale déclenché, Matera a supprimé son compte Twitter. Il a publié via un autre réseau social un long message d’excuse adressé au public, aux compagnons d’équipe et à sa famille. Il prétend qu’il n’avait pas conscience en 2012 de la portée de ses propos. Qu’est-ce à dire ? Beaucoup de muscle et peu de cervelle ?