Voici une conférence du professeur Alexis Sanderson sur "l'influence du shivaïsme sur le bouddhisme pâla", c'est-à-dire sur le bouddhisme tantrique :
http://chiasmos.uchicago.edu/2009-2010/media/southasia-100301-sanderson.mp3
Le handout de la conférence :
https://www.tantrictraditions.com/s/2010torontohandout.pdf
Je sais bien que ce genre de "critique" ou de "comparaison" inquiète une certaine partie de l'esprit libéral. Car selon ce dernier, il ne faut pas "jeter de l'huile sur le feu" et ne pas discuter de sujets "anxiogènes" comme la politique. Il faut rejeter massivement toute discussion rationnelle et se concentrer sur la seule religion susceptible de nous unifier : le business. Et l'on voit le succès de cette doctrine dans le domaine du développement personnel. Toute forme de "jugement" est conspuée. Cela fait partie du catéchisme obligé et cela figure dans tous les boniments dont nous sommes bombardés à longueur de journée. J'en viens même parfois à me demander si la baisse mondiale du q.i. ne serait pas liée à ce besoin du Marché d'éviter tous les sujets qui fâchent. N'est-il pas plus aisé de vendre à des débiles amnésiques ? En tous les cas, je suis persuadé que les marchands du développement personnel sont d'excellents prêtres du Marché : pas de mémoire, pas de mental, pas de critique. La Marché en rêvait, le "bien-être" l'a fait. Les vendeurs du bie-être vont bien plus loin que Reagan, Thatcher et cie.
A ces esprits inquiets, j'ai envie de répondre que les traditions spirituelles de l'Inde sont pleines de ces comparaisons, de ces analyses, de ces critiques, de ces polémiques. Dans les versions commerciales contemporaines des traditions indiennes, vous entendrez rarement parler de cette dimension essentielle. Tout l'aspect rationnel et polémique est expurgé, tout simplement passé sous silence pour brosser le client dans le sens du poil. Pourtant en Inde, Shankara, Nâgârjuna et Abhinavagupta sont pleins de polémiques. Ils ne pratiquent pas la "communication non violente", ni le "non-jugement". L'enseignement indien est fait d'objections et de réponses. Il faut vraiment n'avoir absolument aucune expérience de cet enseignement pour croire le contraire.
Le bouddhisme a donc plagié le shivaïsme. Tout comme le christianisme a plagié le platonisme. Ces deux religions, particulièrement centrées sur le masculin au départ, ont également rejeté la nature. Le bouddhisme se veut un dharma "à contre-courant", tandis que le christianisme valorise le "surnaturel" au détriment de la nature. Mais, dans les deux cas, le naturel est revenu au galop.