Le dernier attentat d'un fanatique islamiste a remis la laïcité au centre des débats. L'extrême droite, LR, les centristes, LREM et quelques PS et EELV ont exploité à des fins politiciennes la décapitation de M. Samuel Paty pour accuser la France Insoumise (LFI) d'être une organisation islamo-gauchiste. Et donc complice des terroristes !
Cette grossière accusation révèle le glissement à droite de la droite des forces politiques qui se sont succédées à la tête des institutions ces 20 dernières années dans le cadre de fausses alternances.
Ceci dit, il ne s'agit pas nier qu'il y ait vraisemblablement à gauche ou à l'extrême gauche quelques éléments islamo-gauchistes comme il y a des rouges bruns qui ne représentent rien.
Le plus signifiant, c'est que ces partis dits de gouvernement (extrême centre) n'ont pas hésité à reprendre in extenso la conception dévoyée et dénaturée de la laïcité théorisée par l'extrême droite.
Cette conception dévoyée de la laïcité est apparue lors de la présidentielle de 2007. L'extrême droite s'est appropriée la laïcité - qu'elle a toujours historiquement combattue - pour développer ses idées racistes et stigmatiser une partie de la population. La candidate Le Pen critiquait l'alimentation hallal, et bien entendu cette critique a débordé sur la nourriture casher... parce qu'à l'extrême droite, il y a des islamophobes et des antisémites. Et, quelques années plus tard, Darmanin, le ministre de l'intérieur, a repris cette antienne en dénonçant les enseignes qui avaient des rayons de marchandises hallal !
L'instrumentalisation du concept de laïcité par l'extrême droite s'accorde parfaitement avec le racisme développé par cette dernière depuis la défaite du nazisme. La Collaboration (discrédit complet) et l'invalidation scientifique des thèses biologistes sur les races (il n'y a qu'une seule race humaine) ont contraint l'extrême droite à rénover son discours : le fond idéologique et les objectifs demeurent, mais la forme change.
Depuis, dans le vocabulaire de l'extrême droite, le racisme racial s'est transformé en racisme culturel. La culture remplace le sang et la race Pour elle, l'apport culturel des immigrés n'est pas une richesse qui enrichit la culture "nationale", il la menace de disparition. La conséquence de son idéologie raciste perdure : le refus du métissage. Son objectif politique demeure : chasser les immigrés et les français d'origine étrangère.
Quant à la laïcité, l'extrême droite l'a dévoyée, ne la mettant pas au service de la liberté de conscience et de culte de toutes et tous. La laïcité à la sauce Le Pen est devenue totalement étrangère à la loi de 1905. Cette laïcité-là renvoie exclusivement à la culture et aux supposées racines chrétiennes de la France et de l'occident, en d'autres termes, au mythe d'une France blanche et chrétienne de l'Ancien Régime. Elle est la manifestation d'un racisme qui exclut l'ensemble des musulmans de la communauté nationale.
En dévoyant la laïcité, l'extrême droite s'est saisie d'une arme ennemie pour la retourner contre ses adversaires. La plupart n'y ont vu que du feu. Pire, ils se sont laissés contaminer et ont repris cette conception dévoyée.
Ainsi, l'extrême centre (LR ex UMP, MoDem, LREM et le PS) a signé sa propre défaite idéologique et politique en pensant avec les mots de l'extrême droite et en les employant...
Cette défaite résulte également à des politiques qui servent exclusivement les intérêts de l'oligarchie financière. En l'espèce, il ne reste plus à l'extrême centre que le sociétal et le nationalisme pour tenter de séduire un électorat de plus en plus désabusé par la casse des services publics, les restrictions en matière d'action et d'aide sociales, les délocalisations et des licenciements financiers, la précarité de masse, la reproduction sociale ou les inégalités sociales grandissantes.
D'où les débats sur l'identité nationale par Sarkozy, la déchéance de nationalité par Hollande ou le séparatisme par Macron pour faire diversion en désignant des boucs émissaires. Autant d'exemples et de renoncements qui démontrent que l'extrême centre s'est fait avaler et a avalé l'idéologie lepeniste en durcissant, avec quelques nuances selon les partis, son discours et sa politique à l'encontre des immigrés, des français issus de l'immigration et des migrants.
Bref, l'extrême centre s'est converti à l'idéologie néolibérale, puis à la laïcité dévoyée de l'extrême droite.
De ce consensus politique droite-gauche est né le Printemps républicain après les attentats contre Charlie Hebdo. Politiquement et sociologiquement, le Printemps républicain (PR) ignore les conséquences du libre-échange sans entrave de l'UE, de la globalisation, de la casse des services publics, du néocolonialisme : c'est son angle mort.
Penser la société en évacuant l'économie et surtout la question sociale permet d'évacuer la lutte des classes, à l'instar de l'extrême droite qui partage, elle aussi, l'idéologie néolibérale, laquelle n'est, d'ailleurs, qu'un succédané du darwinisme social qui justifie les privilèges de l'oligarchie et les inégalités sociales.
Un de ses animateurs, proche de Valls, le haut-fonctionnaire Gilles Clavreul [1] a théorisé un anti-racisme particulier qui distingue les racismes et les hiérarchise. En haut de l'échelle, il y a l'antisémitisme, et, tout en bas, l'islamophobie. Dans cette hiérarchie des racismes, le racisme anti-musulman - l'islamophobie - est relativisée, voire niée.
Dans le contexte délétère des chaînes d'info en continu où la laïcité dévoyée de l'extrême droite domine, combattre en bloc le racisme, c'est-à-dire tous les racismes, est suspect. Qu'une organisation politique participe à une marche de solidarité contre un attentat ne devrait être sujet d'aucune polémique, sauf quand les victimes sont musulmanes... D'où le qualificatif d'islamo-gauchiste accolé à la France Insoumise (LFI) et à d'autres organisations.
Ainsi, le corps de M. Samuel Paty n'était pas encore en terre que Blanquer, Le Pen, Valls, Darmanin et leurs clones accusaient LFI d'être complice du terroriste islamiste ! Dans leur délire, ils participaient à l'objectif théorisé par l'Etat Islamique, à savoir diviser la société française en ostracisant les musulmans de France.
En l'espèce, l'extrême centre partage avec l'Etat Islamiste le même système de pensée qui classe les personnes selon leurs croyances réelles ou supposées. Il s'agit, ni plus, ni moins, d'une pensée raciste, l'une via une religion, l'autre par le biais d'une laïcité dévoyée.
Nous en sommes là, aujourd'hui, en France. Le barrage Macron s'est révélé n'être qu'une autoroute vers le pouvoir pour l'extrême droite..