De la même période, certains lui préfèrent le gentillet et country Coney Island Baby (76) ou le baroque mais inégal Street Hassle (78). J'ai pour ma part toujours eu une - tendresse n'est pas le terme exact - mais prédilection pour cet album, dont l'enchevêtrement live avec son autre grand oeuvre Berlin (73), constitue à n'en pas douter tout le sel décadent et destroy du mythique Rock'n'Roll Animal (74).
Dans tous les cas, le Lou se situe dans sa période la plus délétère, sans doute celle qui a porté au plus haut son imagerie de junkie blond péroxydé, la peau sur les os, ses plans je roule des pelles à mon guitariste tout en balançant des cigarettes allumées au public. A l'époque, Lou Reed, junkie au dernier degré vit avec le travesti Rachel, que l'on peut apercevoir au verso de la pochette, et joue sa vie à chaque concert, se montrant d'une raideur cadavérique.
Sally Can't Dance, donc, n'était le funk tordu qui donne son titre au disque, est un disque incompris des critiques, rejeté par son auteur lui-même (preuve en est), et qui à la manière de Berlin, a fait un four. Pourtant, sur les chansons qui le composent, on y trouve quelques réussites incontestables, certaines méritant de titre de parangons reediennes, et plus généralement de la pop dans son ensemble.
Cela commence avec le délicat Ride Sally Ride et sa très belle intro au piano et son accompagnement au cor, l'instrumentation semblable à celle de Berlin qui le précède, paraît sensiblement moins datée ; même si c'est vrai les cuivres manquent de chaleur. A l'écoute de Baby Face, bluesy et toute en retenue, on comprend la dette qu'un groupe comme Kat Onoma et tant d'autres, doivent au teigneux new-yorkais.
Ennui, aux choeurs majestueux, porte en elle, toute la tristesse morbide véhiculée par le sémantisme 17ème de ce mot. Enfin, Billy est une ballade qui clôt agréablement l'album, après la tension accumulée précédemment par le morceau-titre, sec et décharné, sans vie sous ses faux airs dansants.
Mais Sally Can't Dance ne serait finalement qu'une énième réussite de plus d'une année qui en vit tant et fit la part belle aux auteurs interprètes, Kevin Ayers, John Cale, et autres Robert Wyatt, s'il ne recélait l'incroyable Kill Your Sons, à mes yeux plus grande chanson de Lou Reed et l'une des plus grandes tout court, et qui relate l'invraisemblable aventure d'un jeune adolescent "soigné" de son homosexualité par ses parents au prix d'une thérapie faite d'électro-chocs.
Sublime musique, incroyable texte, autobiographique qui plus est.
en bref : il faut se méfier des disques reniés par leur auteur et snobés par le grand public ! Il peut s'agir soit d'étrons, soit d'écrins ; devinez vers quelle catégorie le 4ème ouvrage solo de Lou Reed balance ?
Lou Reed
ci-dessous, une performance live de Kill Your Sons, époque Legendary Hearts accompagné du génial guitariste Robert Quine, qui fait son effet, bien que largement inférieure à l'originale, et dans une clé différente.
Le riant chanteur lui même conchie cet album enregistré à la va-vite, que les critiques considèrent avec mépris (et pourtant !), et qui eût été un bide commercial sans nom, sans le succès non négligeable