Pour les livres de Richard Palachak, c'est par ici : KALACHE, VODKA MAFIA, TOKAREV
Photo de Simon Woolf
Fragment 1
Lac de Sènètse.
Trente kilomètres de Bratislava.
Station balnéaire à la touche Disneyland pour familles nombreuses.
Ici, pas d'étrangers.
Que des touristes slovaques et tchèques.
On vit l'Esprit Slave à fond les gamelles, à condition de dégoiser local.
En décor : pagaille d'usines à sommeil cossues, des restos de plage caribéens, des boîtes et des bars « fashion » Odessa, puis des estancos de souvenirs et de jouets de baignade.
Et le remue-ménage est sans-façon : les gamins se baquent et les mectons picolent. Quant aux filles, elles dorent au luisant leurs corps de fées des Carpates.
Tandis que mes fistons se tapent la traversée des eaux translucides et turquoises du lac, je m'envoie ma cinquième pinte de la journée. Il est dix heures du matin.
Chuis à la terrasse d'un cabanon comptoir qui donne sur un toboggan privé, construit pour occuper la marmaille pendant que leurs darons se fracadéchirent à grands seaux de Pils et de Slivovitsa.
En bon Français frustré de tous les plaisirs de la vie, je me gargarise la rétine des belles en cuisse qui m'entourent. Je mate comme un chien castré. Comme un needy. Comme une couille molle. Comme un gars qu'est pas un homme.
Ici, ça se fait pas.
Y a qu'un étranger pour faire le crevard.
Les nanas sont belles et alors ? « C'est un avantage et non pas une qualité ! » me balancerait n'importe quel autochtone, même le dernier des galeux bossu déficient.
Je le sais pertinemment, mais j'peux pas m'empêcher de mater, de zieuter, de jeter des jtars à foison.
Pi le v'là qui débarque à plein tube.
On voit que lui : le maous bedonnant sur son tricycle électrique jaune poussin. C'est le barouf à zinzin. Le gars braille, chante comme un aveugle et se bidonne à gorge déployée. Ce chauve au regard enfantin, nippé short et t-shirt à deux balles, interpelle tout ce qui bouge. Et l'ours y va de sa tape sur l'épaule, de son baratin, de ses blagues à tonton, des salutations gueulées la main levée... bref, tout l'arsenal du babillard aux anges y passe.
A la bonne fortune, y finit par s'échouer juste en face de ma pomme, accoudé sur la table en bois, les quinquets braqués sur mes chasses, avec cette interrogation qui suinte de son front brillant : sacré nom d'un bordel à culs de chiens syphilitiques hongrois, mais c'est qui ce con ?
Crâne rasé comme lui, tatoué comme un mur de chiottes et les bras ronds comme des carrés, Balou doit se voir en plus jeune... hormis pour la gueule de mérou dépressif occidental que je me trimballe où que j'aille.
Richard Palachak
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