Cette décision résulte de la tenue d’une session extraordinaire liée à la situation de l’avocature dans le pays.
Le Barreau dénonce les récents abus dont ont été victimes les avocats dans l’exercice de leur fonction. Tenue ce 21 novembre 2020 et présidée par Claire Atangana Bikouna en présence du président de l’Assemblée générale, Morfaw Evaritus Nkafu, les hommes en robe noire ont pris deux décisions majeures au sujet de leur plaidoirie devant les juridictions du pays. « Le Conseil de l’ordre décide des mesures suivantes sans préjudice d’autres à venir, y compris la convocation d’une Assemblée générale extraordinaire, en signe de protestation et jusqu’à ce qu’il soit mis fin à cette véritable cabale pour la libération de tous les avocats détenus d’une part, et d’autre part dans but de redorer le blason de la profession ainsi souillée », ainsi sont motivées les deux décisions des avocats.
En premier lieu, ils décident de suspendre sur toute l’étendue du territoire national, le port de la robe noire, du 30 novembre au 4 décembre 2020. La deuxième décision quant à elle est plus extensible et donc conséquente et devrait appeler une réaction d’apaisement du pouvoir. « Suspendre jusqu’à nouvel avis pour tous les avocats, toute intervention devant les juridictions statuant en matière criminelle à tous les degrés de juridiction y compris la Cour suprême et le Tribunal criminel spécial, et les juridictions statuant en matière de contentieux électoral, y compris le Conseil constitutionnel », assènent les hommes en robe noire, décidément déterminés à en découdre une fois pour toute pour la reconnaissance de leur profession.
Incrimination d’outrage à magistrat
Comme pour passer clairement le message à la chancellerie, le Barreau renonce aux hommages judiciaires initialement programmés sur les parvis de la Cour d’appel du Littoral et de la Cour suprême du Cameroun « pour les orienter en d’autres lieux plus accueillants pour les avocats, qui seront ultérieurement indiqués ». Le défunt Bâtonnier, du lieu où il se trouve en ce moment doit se pincer les joues pour s’assurer qu’il ne rêve pas, que ce qui se passe est bien réel. Cette résolution est la conséquence de l’interpellation et la mise en détention provisoire de deux de leur membres avec pour ramification l’incident du Tgi de Douala-Bonanjo. En effet, alors que le Barreau condamnait et « exigeait des sanctions exemplaires contre les auteurs intellectuels et opérationnels des brutalités policières perpétrées le 10 novembre 2020 sur des avocats dans la salle d’audience du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo », deux de leurs confrères « les avocats Tamfu Ngarka Tristel Richard et Tchuenmegne Kenmegne Armel exerçant dans la ville de Douala, témoins des dites brutalités ont été, sans convocation préalable ni mandat, appréhendés à l’avantage de guet-apens tendus par des éléments de la division régionale de la police judiciaire du Littoral pour y répondre à leur tour des incriminations d’outrage à magistrat, destruction et commentaires tendancieux sur une affaire en cours, puis gardés à vue du 18 au 20 novembre 2020, date à laquelle ils ont été déférés devant le procureur de la république et placés sous mandat de détention provisoire et notifiés de la date de leur première audience de flagrant délit le 23 novembre 2020 devant le tribunal de première instance de Douala-Bonanjo statuant en matière correctionnelle ».
Programme de persécution des avocats
Selon les éléments de l’enquête en possession du Barreau, « le procureur de la République près le tribunal de première instance de Douala-Bonanjo a instruit l’interpellation d’un total de 15 avocats tantôt victimes, tantôt témoins de la barbarie du 10 novembre 2020 et la mise en détention des deux premiers ne permet désormais aucune spéculation sur le sort des treize autres recherchés, mettant à jour un programme de persécution des
avocats par l’utilisation des moyens de l’appareil judiciaire et de certains magistrats ouvertement déterminés, étape suprême succédant à la précédente qui aura consisté à les mépriser et à compliquer leur exercice professionnel à tous stades, quoiqu’auxiliaires de justice ». Face à cette situation qui somme toute s’analyse en une persécution programmée des avocats transformés en délinquants, le conseil de l’Ordre demande aux hommes et femmes en robe noire à « observer plus que par le passé, une attitude de prudence, de calme et de vigilance, en se dominant pour ne point céder, ni à la provocation, ni à la confrontation violente, au risque de tomber dans des pièges multiples tendus pour affaiblir la corporation à un moment non anodin où le barreau, orphelin de son Bâtonnier s’apprête à lui rendre hommage ». Le conseil de l’Ordre envisage le cas échéant, la convocation d’une assemblée générale extraordinaire « en signe de protestation et jusqu’à ce qu’il soit mis fin à cette véritable cabale par la libération de tous les avocats détenus d’une part et d’autres part dans le but de redorer le blason de la profession ainsi souillé ». N’est-ce pas là, le ménage poussif entre l’exécutif et le judiciaire qui soupire de lassitude ?