Une enquête inédite menée pendant trois ans par le Centre pour l’Environnement et le développement (Ced) et l’Eia (Environmental investigation agency) a permis de révéler qu’un groupe de sociétés vietnamiennes des entreprises vietnamiennes dissimulent des transactions commerciales et leur chiffre d’affaires pour contourner l’administration fiscale camerounaise.
Dans un rapport intitulé « bois volé, temples souillés Les conséquences néfastes du commerce du bois entre le Cameroun et le Vietnam sur les populations et les forêts camerounaises », deux Ong (Environmental investigation agency et le Centre pour l’environnement et le développement (Ced) relèvent les travers de l’exploitation forestière telle qu’exercée par les entreprises vietnamiennes au Cameroun. En quelques années seulement, le Vietnam est devenu le deuxième plus grand marché pour le bois camerounais (après la Chine), tandis que le Cameroun est devenu le premier fournisseur de grumes tropicales du Vietnam (soit une valeur de 25% des grumes importées de 2016 à 2019). Au Vietnam, les grumes camerounaises ont remplacé les essences d’Asie du Sud-Est qui alimentaient le marché auparavant.
De nombreuses sources ont confié aux enquêteurs infiltrés d’Eia que d’impressionnantes quantités de grumes africaines de l’essence tali (Erythrophleum ivorense) sont désormais très répandues au Vietnam, où elles sont devenues le matériau principal pour la construction et la rénovation de temples à travers le pays. Les 09 principales compagnies maritimes, jouent un rôle clé dans le transport de bois entre le Cameroun et le Vietnam. Les grumes constituent la grande majorité (73% entre 2016 et 2019) du commerce de bois entre le Cameroun et le Vietnam. En outre, les trois années d’investigation d’Eia ont révélé que la croissance exponentielle du commerce de bois entre le Cameroun et le Vietnam se fonde sur des stratagèmes choquants et des activités illégales.
La violation généralisée des lois sur l’exportation
Afin de maximiser leurs bénéfices, certaines sociétés vietnamiennes spécialisées dans le commerce du bois violent régulièrement les lois camerounaises. Selon les estimations d’Eia, 132 000 mètres cubes de grumes, au minimum, ont été exportés du Cameroun vers le Vietnam en violation de l’interdiction partielle d’exportation de grumes entre janvier 2016 et juillet 2020. Il s’agit notamment de 84000 mètres cubes de doussie (40,2 millions de dollars), 16 900 mètres cubes de mukulungu (Autranella congolensis) d’une valeur de 5,7 millions de dollars US, 15000 mètres cubes de sapelli (Entandrophragma cylindricum) d’une valeur de 6,6 millions de dollars US, 6 000 mètres cubes de padouk (Pterocarpus soyauxii) d’une valeur de 2,1 millions de dollars et 3 900 mètres cubes de movingui (Distemonanthus benthamianus Baill) d’une valeur de 900 000 dollars US. Ce flux illégal représente un total de 58 millions de dollars US, soit 11 pour cent du volume total de grumes exportées vers le Vietnam (13 pour cent de la valeur totale). Entre 2014 et 2017, les exportateurs du Cameroun ont déclaré 308 millions de dollars US de moins que les importateurs du Vietnam. Les grumes illégales qui entrent dans les scieries vietnamiennes au Cameroun sont rapidement tronçonnées.
La plupart des lettres de voiture produites par leurs fournisseurs sont achetées auprès des autorités. Le coût actuel des pots-de-vin pour les grumes de tali s’élève à 510 000 Fcfa par facture et par camion. Le blanchiment courant de bois illégal à travers la délivrance des lettres de voiture est une faille bien connue du secteur forestier camerounais, en particulier en ce qui concerne les ventes de coupe. En effet, les propriétaires des ventes de coupe peuvent signer autant de contrats qu’ils veulent, pour soi-disant approvisionner des scieries, puisque l’administration forestière établit rarement le lien et vérifie difficilement le volume de bois vendu conformément à la lettre de voiture et au volume autorisé à l’exploitation dans la vente de coupe. Certaines sociétés vietnamiennes opèrent en violation de la législation du travail camerounaise.
Protection des travailleurs dans les parcs à bois et scieries
Elles emploient, par exemple, des travailleurs sur des périodes importantes sans contrat écrit et au mépris des règles relatives à la protection des travailleurs dans les parcs à bois et scieries. Ces sociétés, par ailleurs, oppriment et maltraitent les travailleurs camerounais, généralement payés moins de sept dollars par jour et profitent de la situation économique désastreuse du pays pour briser les grèves et mettre de côté les revendications des travailleurs camerounais visant à de meilleures conditions de travail. Les responsables de plusieurs sociétés vietnamiennes au Cameroun ont, à maintes reprises, répété aux enquêteurs d’Eia que leur objectif était de gagner autant d’argent que possible, au plus vite, avant que les autorités camerounaises ne réglementent et contrôlent davantage le secteur.