A la fin des années 60, la France est très en retard en matière de musées d'art, en particulier face aux USA. Le MOMA de New York est déjà ouvert depuis 1929 et favorise l'émergence de musées d'art moderne dans les années 50 : à Stockholm en 1958 avec le Moderna Museet orienté vers les nouvelles créations, le Guggenheim de New York en 1959 bien-sûr avec l'époustouflante architecture en forme de spirale que vous connaissez !
En France, Paris fait grise mine à cette époque. Il existe certes le musée national d'art moderne ouvert en 1947 au Palais de Tokyo : ses collections sont belles mais demeurent surtout constituées de donations d'artistes, car faute d'argent les achats sont quasi inexistants. Et avouons-le, les visiteurs se font rares. Finalement, sans musée d'art contemporain digne de ce nom, Paris concurrencé par New York risque bel et bien de perdre son statut de place majeure de l'art...
Tout juste arrivé au pouvoir, le Président Georges Pompidou, grand amateur d'art contemporain, décide de frapper fort en 1969, en décidant de construire, non pas un musée traditionnel, mais un immense centre culturel ouvert à tous où "les arts plastiques voisineraient avec la musique, le cinéma, les livres, la recherche audiovisuelle." Un véritable OVNI dans le paysage muséal français ! Et un scandale...
Commence alors une bataille rangée entre les alliés du projet et ses détracteurs. Tout est sujet à polémique :
- le concept même du projet vu comme la création d'un "supermarché de la culture"
- le lieu choisi : un terrain vague au coeur de Paris que l'on nomme le plateau Beaubourg
- le transfert annoncé des oeuvres données au départ au Palais de Tokyo
- le budget d'acquisitions du musée qui serait très important et surtout autonome par rapport aux autres musées français
- et surtout l'architecture du projet imaginée par de jeunes architectes inconnus... Renzo Piano et Richard Rogers. Le bruit court en effet que leur bâtiment choisi parmi 680 projets, ressemblerait à une usine à gaz, à une raffinerie de pétrole et à une machine avec ses escaliers et ses ascenseurs multicolores et apparents.
Pourtant le Centre Pompidou aura un succès considérable et ce dès la première année d'ouverture en 1977 avec ses 6 millions de visiteurs, amateurs et autres curieux.
En 1990, le muséologue Davis annonce que l'ouverture du Centre Pompidou scinde l'histoire des musées en deux : un avant et un "post-Pompidou Age". Jean Baudrillard et Emmanuel De Roux parleront quant à eux d'un "effet Beaubourg" qui incarne un point de rupture dans l'histoire des musées, le démarrage du "spectaculaire muséal" pour François Mairesse. On parlera surtout de "Beaubourg" comme d'un détonateur, d'un big bang avec l'ouverture d'une nouvelle ère muséale : le réveil des années 80, particulièrement en France sous le Ministère de Lang de 1981 à 1993.
Démarrage des grandes rénovations, renouveau dans l'architecture plus fonctionnelle des musées qui troquent leur temple de l'art pour de grands plateaux libres comme à Beaubourg, développement du marketing et des espaces de services au musée, sa conversion en pôle culturel à l'image de marque... Presqu' une évidence aujourd'hui mais une révolution à l'époque.
Syndrome de la pyramide quand tu nous tiens !
Redécouvrez l'histoire et les lieux en une visite express proposée par l'émission déjantée que j'adore "Personne ne bouge" qui a consacré sa dernière édition à l'anniversaire du Centre Pompidou. A visionner d'urgence !