Des années durant, disons seize, on m’a demandé :
– C’est comment la vie en Chine ?
Puis : « Tu préfères Pékin ou Canton ? »
Et ensuite : » Ca va c’est pas trop long ? »
– » Quoi, 12 ans à Canton ??? Et… ça va ??? »
Bah oui tu vois, j’ai le teint frais et le sourire aux lèvres.
– « T’as pas envie de rentrer ? »
Bah non pourquoi ? J’adore vivre en Chine, voyager en Asie, interagir avec une autre culture au quotidien, faire marcher mon cerveau dans les deux langues, rencontrer plein de gens différents et intéressants que je n’aurais jamais connu sinon, voir le monde depuis le 31ième étage, proposer une ouverture exceptionnelle et l’apprentissage d’autres langues à mes enfants dès leur naissance et j’ai la chance d’avoir des amis en or à portée de vélo/bus/taxi/marche (je ne te parle même pas de la cuisine asiatique !)
Pourquoi tu es rentrée alors ?
Détail sémantique : je ne suis pas « rentrée » en France, mais « partie » de Chine. Presqu’une expat à l’envers, tant nous étions installés dans le pays. Nous n’avions vécu que peu de temps à deux puis à trois à Paris avant de partir à Pékin et après si longtemps dans le pays et l’apprentissage intensif de la langue je me sentais complètement chez moi. J’étais habituée à raisonner dans les deux modes Chine/France indifféremment, et à switcher de l’un à l’autre en atterrissant à Guangzhou, genre Qwerty/Azerty, hé hop !
Hé bien dans ce cas, pourquoi es-tu partie ?
– Parce que 16 ans, beaucoup de pollution et une envie d’ailleurs
– Parce que surtout des enfants qui grandissent : un grand qui part étudier en France sans être encore majeur après trois ans en famille d’accueil (en or aussi) à Hong Kong et une de plus en plus grande qui s’apprête à entrer au lycée et ne veut pas vivre loin de ses parents (ça a bien changé, elle passe ses journées à se préparer à partir « faire ses études » très loin l’an prochain)
– Parce que la famille nous manque
– Parce que j’ai de plus en plus de mal à quitter notre maison de vacances toulonnaise à la fin de l’été, à passer devant le théâtre et l’opéra le 15 août en me disant que je vais encore louper la saison, à dire au revoir au ciel bleu et à laisser la mer(ère) derrière moi.
Alors on fait quoi ?
Un truc qui nous paraît fou. On décide de « faire un test » en France. Ou plutôt « un break », le temps de décider où on se posera pour la prochaine étape. Sachant qu’on continuera tous les deux à être beaucoup en Chine, surtout Darling, une bonne moitié du temps pour sa nouvelle boite, Darling Advisory.
Ca nous vient comme ça, un soir, sur la terrasse des copains de Repulse Bay, alors qu’on s’apprêtait à aller visiter des apparts côté Sai Kung le lendemain (rapport au coût de la vie sur HK Island, à de beaux Seaview-3-bedrooms de copains là-bas vus en photos, et au pittoresque du coin s’était-on convaincu).
Le grand grommelait : sympa de venir vivre à Hong Kong quand je pars !
Et il était prévu de la pluie le lendemain ; tant qu’à aller visiter Sai Kung on va attendre qu’il fasse beau non ?
Mais j’y pense, juste une idée comme ça… (je ne sais même plus lequel de nous l’a eue) , on a une maison qu’on adore à Toulon non ?
Il y a du soleil, la mer, des « lycées français » et surtout la famille pas loin, qui pourra nous aider avec les enfants pendant nos voyages en Chine. Ce serait peut-être jouable ?
Deux coups de fils plus tard, un dans le Nord et un dans le Sud histoire de confirmer les back-up voyages/garde d’enfants, on checkait les écoles et les clubs de gym à Toulon.
Quelques semaines encore, et on faisait nos valises. Sûrement pas notre container, vu qu’on allait revenir bientôt en Asie, on verra bien où.
Voilà ; tout cela s’est peut-être joué à un rayon de soleil.
La suite de l’histoire ? Elle arrivera bientôt sur le blog, en plusieurs épisodes.
Aussi heureuse soit-elle (en gros tout se passe aussi bien que possible et je suis raVie avec un V comme Var) , il m’aura donc bien fallu deux bonnes années pour pouvoir parler ici de notre installation en France, tourner cette (bonne grosse) tranche de vie en Chine et pouvoir écrire dessus sans trop d’émotions. Le temps d’avoir plus de recul, les idées claires et le départ apaisé . Le fait peut être aussi d’avoir répondu deux fois cette semaine à la question « Pourquoi êtes vous partis » posée par des amies avec lesquelles je n’avais pas échangé depuis un moment, qui m’a amenée à y réfléchir à nouveau, tout comme les messages off d’expats me demandant régulièrement comment se passe un retour en France après si longtemps en mode j’appréhende un peu, voire de parisiennes voulant s’enquérir de « la vie en Province ».
Alors après avoir longuement parlé de la vie en Chine du Sud sur ce blog dans ses premières années je fais maintenant le job à l’envers : Bienvenue en France du Sud !
En photo : la vue depuis le balcon de notre ancien appart, un peu vieillot et mal isolé, mais immense et au sommet du monde. Il a vu grandir nos enfants, accueilli Ptit Prince à 15 jours et connu un nombre incalculable de « partyS ». Un appart du bonheur, plein de vie et toujours de bonne humeur..
Je n’aurais jamais pu poster cette photo sans trop d’émotions il y a encore 6 mois.
D’ailleurs je vous laisse, j’essuie une larme.