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Le validisme /Name of Shame

Publié le 21 novembre 2020 par Muzard

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La sorcellerie a ses limites, le charme d’Anne Hathaway dans le film The Witches n’a pas suffi à charmer les téléspectateurs. La Warner Bros est tombée sur un os, le validisme pour avoir doté sa sorcière d’une main à 3 doigts.  Un choix qui a choqué les personnes souffrant d’ectrodactylie[1], et qui ne supportent pas que leur différence physique soit associée à la sorcellerie.

Ca veut dire quoi ?

Le validisme, aussi appelé capacitisme, handicapisme et en anglais ableism, se définit comme l’ensemble des préjugés ou des comportements discriminatoires à l’encontre des personnes en situation d’handicap.

Le validisme considère la personne valide, comme la norme sociale. Par conséquent, la personne en situation de handicap, non conforme à ce standard est catégorisée dans un statut d’infériorité.   

Progressivement le terme validisme semble prendre une signification plus large pour désigner une attitude discriminante à l’égard de toute personne différente de la norme sociale ( le bon âge, bon genre, bon diplôme…)… Dans cette optique, refuser un candidat parce qu’il n’a pas le bon diplôme, relève du validisme !  

Quelle est l’origine du mot ?

Le validisme est dérivé du mot valide avec un suffixe « isme » très fréquent dans la construction de néologismes, puisqu’il désigne un courant de pensée, un mouvement. Le féminisme, l’antispécisme… mais aussi des attitudes ou des comportements  : racisme, cannibalisme…

Quels sont les fondements de cette pratique ?

Pour le primatologue Frans de Waal[2]  : nous avons été conçus pour nous méfier de ce qui nous ressemble pas. Dès lors que le handicap concerne une minorité d’individus, il apparait comme un signe de différence et suscite la méfiance. Au plan neurobiologique, la différence, l’inconnu active un sentiment de peur, alors que les personnes, comme les paysages ou les objets qui nous sont familiers inspirent confiance (en tout cas, on sait où les catégoriser).

Autre fondement possible du validisme, dans les sociétés animales, en général, les mères abandonnent leur bébé handicapé. Pourquoi dépenser de l’énergie pour un bébé dont les chances de survie sont faibles ? 

Mais cette observation, n’explique pas (et surtout ne justifie en rien) l’attitude de certains humains à l’égard du handicap.

Chez les grands singes, nos proches cousins, les primatologues ont souvent observé des exceptions à cette « loi de la nature ». Ainsi des chercheurs japonais ont rapporté le cas observé en pleine nature d’une mère chimpanzé prenant soin avec sa fille aînée de son enfant handicapé[3] pour l’aider à vivre. D’ailleurs Frans de Waal a observé de nombreuses manifestations d’empathie et d’entraide chez les primates. 

L’attention, la solidarité à l’égard des personnes en situation d’handicap serait donc un marqueur du niveau d’évolution d’une société.

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Qu’est ce que cela raconte de notre société ?

Le validisme pointe le fait que la société a encore du chemin à parcourir car les personnes en situation de handicap sont encore trop souvent discriminées. La Semaine pour l’Emploi du Handicap [4]nous rappelle qu’elles sont ainsi 2 fois plus touchées par le chômage, 43% des entreprises[5] préférant s’acquitter d’une amende plutôt que de se conformer à l’OETH[6]

Même si ces comportements discriminants tendent à se réduire, certaines pratiques perdurent. Ainsi la représentation dans la publicité, ou le cinéma etc du handicap n’est pas neutre. En l’associant à la laideur, à la honte, au manque de volonté ou à la victimisation… elle conforte cette vision dévalorisante du handicap et confirme le non handicap comme norme sociale.

Certaines personnes qui souffrent d’une incapacité intériorisent cette condition d’infériorité et adoptent alors des comportements de soumission, ou se conduisent en victimes. D’autres, parmi celles qui ont un handicap non visible (qui représentent 80%) préfèrent dissimuler leur handicap mais sont obligées de faire leur coming out pour éviter d’être traitées de « tir au flanc » par leurs collègues. Enfin certaines battent des records à la course, à la rame… dans l’espoir d’être traitées en héros.

Pour les opposants au validisme, le handicap n’est pas un échec ou une erreur mais témoigne de la diversité de la vie.

Le validisme se pratique souvent de manière inconsciente. Sinon la Warner Bros aurait doté la sorcière de griffes de chat plutôt que d’une main à 3 doigts, afin d’échapper au bad buzz. Et Ubisoft n’aurait pas été obligé de s’excuser pour avoir décrit un personnage de son jeu Assassin’s Creed, comme violent car défiguré suite à un accident. 

Certains opposants au validisme vont jusqu’à dénoncer le validisme positif. Ils considèrent que faire preuve de compassion ou d’admiration exagérée à l’égard des personnes en situation d’handicap qui se conduisent en héros renforce la pression sur elles pour se conformer aux normes. Pour le moment, cette vision plus radicale, n’a pas encore suscité de bad buzz. Mais il n’est pas impossible que selon le processus habituel d’évolution des sensibilités, elle finisse par s’imposer.

[1] Maladie qui se signale par une absence d'un ou plusieurs orteils ou de doigts de la main

[2] Le Singe en Nous, p 294 Fayard 2006 

[3] Etude publiée dans la revue Primates, Nov 2015

[4] La 24e édition de la Semaine européenne pour l'emploi des personnes handicapées (SEEPH)  lundi 16 novembre au dimanche 22 novembre 2020.

[5] https://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/recrutement/handicap-57-des-entreprises-respectent-le-quota-des-6_1521565.html

[6] L'obligation d'emploi des travailleurs handicapés 


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