Cameroun: Les élèves de l’Enam crient à la torture au CPFAN de Ngaoundal

Publié le 18 novembre 2020 par Tonton @supprimez

En stage de préparation militaire supérieure, ils dénoncent les mauvais traitements, le harcèlement sexuel des filles, la marginalisation de certaines régions, entre autres.

Le directeur général de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam), Bertrand Pierre Soumbou Angoula, était au Centre de perfectionnement et d’entrainement des forces armées nationales (Cpfan) de Ngaoundal, le 12 novembre dernier. «Le Dg de l’Enam était là le 12 novembre dernier, on n’a même pas donné l’opportunité à l’un de nous de lui dire ce que nous subissons. Ces instructeurs ont tout fait pour masquer la réalité. Tout s’est géré entre les dirigeants de notre école et ceux du Cpfan. Mais nous avons passé l’information à travers nos aînés, notamment le président des élèves de l’Enam qui était là», renseigne une source. Mais le Dg a-t-il réellement été briefé sur ce qui se passe avec la promotion 2020-2021 de l’Enam en préparation militaire supérieure (PMS) au Cpfan ? Difficile d’affirmer ou d’infirmer, tant des sources internes de l’administration de ladite école s’abstiennent de tout commentaire.

Pourtant, des élèves nouvellement admis et en stage au Cpfan de Ngaoundal dénoncent sous cape. «Pour dire vrai, en termes de formation, c’est à la dernière semaine que le colonel a entrepris de sélectionner les gens pour qu’ils travaillent du matin au soir pour faire des démonstrations que nous avons faites devant les autorités le 12 novembre dernier. Ce, pour que celles-ci voient que tout va bien. Sinon, on a passé le temps à punir les gens qu’à les former. Ce qui fait que la majorité d’entre nous n’est non seulement pas contente, mais se trouve dans une logique de diabolisation du camp militaire. Du coup, chacun appelle son parent pour dire qu’au cas où un proche passe l’Enam, il n’acceptera sous aucun prétexte qu’il se forme dans un camp militaire», clame une source.

Mais que reprochent les élèves de l’Enam aux instructeurs du Cpfan ? «Il y a une jeune sans galon de 2019 que ces formateurs utilisent pour provoquer les plus âgés d’entre nous. Elle leur demande ce que les vieux comme eux viennent faire à l’Enam au lieu d’envoyer leurs enfants. Bref, elle leur dit que c’est eux qui empêchent les enfants d’évoluer. Sauf que quand les gars se fâchent, on les prend et les jettent en cellule. A ce jour, environ 10% des élèves hommes de l’Enam ont goûté à la cellule parce qu’il suffit d’un petit truc, les aspirants de l’Emia vous promettent de vous nuire, de faire un mauvais rapport sur vous pour que tout au long de votre carrière, vous ne puissiez pas réussir», relate une source. Et d’indiquer que : «Il y a donc deux récalcitrants parmi nous qui en avaient assez et ont fait soulever le camp au point où le colonel voulaint déjà les radier. Et le 12 novembre 2020, lorsque le Dg de l’Enam est venu au Cpfan de Ngaoundal, le ministère de la Défense a envoyé deux colonels et un lieutenant des Renseignements, tous de la Semil, pour venir écouter nos deux camarades. Ils ont eu des heures d’échanges par rapport à la situation, mais teintées de menaces et intimidations. Au moins, le calme est revenu au camp».

HARCÈLEMENT SEXUEL ?

Ce que condamnent davantage les élèves de l’Enam en préparation militaire supérieure au Cpfan de Ngaoundal, c’est le harcèlement sexuel dont sont victimes leurs camarades filles. «Ces filles sont soumises à des exercices les plus difficiles. Certaines appellent leurs parents pour dénoncer ces différentes pratiques qu’elles subissent, pour celles qui refusent de céder aux avances des instructeurs. Certaines cèdent sous le coup de la pression. Les exercices difficiles en question, c’est notamment une marche de 15 km, prétextant qu’une des stagiaires a envoyé qu’on lui achète du poulet au marché. Pourtant, cela se fait régulièrement ici sans sanction», apprend-on.

A l’origine de leurs malheurs, ces élèves de l’Enam voient les 10 aspirants de l’Emia en stage au Cpfan, chargés d’assurer leur préparation militaire. A en croire divers avis, le complexe d’infériorité développé par les aspirants de l’Emia laisse place à une sorte de règlement de comptes.
«Nous, élèves de l’Enam venons pour la préparation militaire supérieure et non pour la formation militaire. Le commandant du Cpfan a donc fait confiance à 10 jeunes stagiaires de l’Emia. Malheureusement, ces derniers, au lieu de faire leur travail, y ont mis de la passion, de la rancune, ce qui crée une sorte d’adversité entre eux et les élèves de l’Enam. Donc, au lieu de faire le travail, de temps à autre, ils punissaient les gens, car estimant que tel ne méritait pas d’être à l’Enam quand les leurs ont échoué parce que leurs parents n’ont pas d’argent pour acheter le concours. Ce discours revenait de façon répétitive. Et ces jeunes stagiaires harcèlent certaines de nos camarades filles avec qui ils veulent coucher. Celles qui se sont radicalement opposées ont été punies, mouillées chaque soir et soumises à des exercices les plus difficiles. Il faut préciser que c’est le commandant du Cpfan qui en a décidé ainsi, lésant les militaires instructeurs qui sont aujourd’hui mécontents. Ces stagiaires ont passé le temps à nous faire du chantage, y compris le chantage sexuel aux filles, quand on connait la concurrence qu’il y a entre les élèves de l’Enam et les aspirants de l’Emia. Ils sont dans leur logique, quand ils le font, on doit la boucler et obéir», relate une source.

Joint, le commandant du Cpfan de Ngaoundal, le lieutenant-colonel Georges Clément Zoo Messougla, qui a promis de rappeler car étant en réunion, n’a plus fait signe jusqu’au moment où nous allions sous presse. Les élèves de l’Enam, eux, ne sont que diserts sur leur mésaventure à Ngaoundal. «L’Enam a donné de l’argent pour que nous mangions aisément. Mais les dirigeants du Cpfan ont estimé que nos parents ont de l’argent et préparent des nourritures bizarres, sachant que personne ne va manger. Ils ont donc ouvert une boutique VIP et ont surtaxé les beignets, jus et autres denrées. Ils font donc du business en plus de nous réserver des mauvais traitements», relève une source. Et ce n’est pas sur le plan médical que tout va bien, selon les infortunés. «En quittant Yaoundé, on a dit qu’on devait nous faire des examens pour voir si chacun était apte. Mais il n’y a eu aucun examen, à part ausculter la vue et prendre la tension.

Sans examens profonds, bon nombre de nos camarades sont venus malades. L’infirmerie avait alors, chaque jour, au moins 30 personnes couchées, filles et garçons. Il y en a même qui avaient été opérés, ayant encore des fers dans le corps, mais qui étaient là. Mais là encore, dans cette infirmerie, on vous donne les mêmes comprimés, et parfois, on vous annonce qu’il n’y en a pas. Quand la nuit t’y trouve, on te jette en cellule, estimant que tu fais semblant d’être malade. En journée, on vous donne des machettes pour ne pas rester alités. Et pour avoir un lit dans cette infirmerie, il y a des trafics, il faut donner de l’argent», dénonce-t-on.

GRAND-NORD ET NOSO MARGINALISÉS

Une récrimination spécifique vient pourtant des élèves originaires du Grand-Nord et des régionas du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. «Ce qui a été plus désolant, c’est le harcèlement contre les filles. Le 13 novembre par exemple, il y a des filles anglophones qui se sont senties marginalisées parce qu’elles estiment être dans leur groupe entre elles et les francophones les rejettent. Et même au niveau des punitions, elles sont plus marginales. Elles se sont donc plaint, car en plus, une aspirante leur a lancé des pics comme quoi elles ne doivent plus parler Anglais au camp et qu’elles ne doivent plus marcher même en groupe de deux. Elles ont engagé une grève et le colonel les a fait marcher au point où des gens sont en train de préparer un mouvement d’humeur», apprend-on. En ce qui concerne le Septentrion, «les élèves qui en sont originaires crient aussi à la marginalisation. Quand on est arrivés au Cpfan de Ngaoundal, on organisait les ateliers par région. Curieusement, nous du Septentrion étions dans un même atelier baptisé GrandNord, quand les autres sept régions étaient distinctes. Ça a créé des frustrations profondes et en plus, on s’est rendu compte que la lutte que Guibaï Gatama mène est crédible. De fait, on s’est rendu compte qu’en termes de nombre, tous les élèves du Grand-Nord n’atteignent même pas ceux de l’Est et du Centre séparément», se désole une source.