« Je veux que le système de santé prévienne, protège et accompagne le parcours de vie de chacun de nos concitoyens », ainsi s’exprimait Emmanuel Macron à travers un tweet en septembre 2018.
Mais le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 ne fait que consolider les politiques d'affaiblissement de l'institution menées par les gouvernements successifs depuis plus de 30 ans…
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2021 (PLFSS) a été adopté par l'Assemblée nationale le 27 octobre 2020 et l’examen doit se poursuivre maintenant au Sénat mais il est loin de prendre en compte les conséquences des mesures de confinement depuis le printemps dernier.
Par ces temps de pandémie de la Covid-19 et de reconfinement, il est encore plus crucial que d’habitude de se pencher sérieusement sur le PLFSS qui a vu le jour en 1996 avec la loi Juppé qui a institué ce dispositif.
A l’origine, la Sécurité sociale, créée après la Libération sur la base du programme du CNL (Conseil national de la Résistance), était gérée par les salariés et leurs représentants élus par les citoyens. Au fil des réformes, ordonnances et autres décisions prises en dehors de la consultation des cotisants, la gestion de la Sécurité sociale a basculé dans les mains de l’Etat qui, lui-même, est tombé dans les bras de l’Union européenne, de l’euro-libéralisme et du libre-échange.
Dans un texte titré « La facture de Maastricht », Michel Onfray apporte des éléments clés, faisant le lien entre confinement, reconfinement, santé publique et Union européenne : « Maastricht, c’est le nom de la politique qui a détruit l’hôpital public depuis plus d’un demi-siècle au vu de sa rentabilité que les banquiers estimaient insuffisante. Si le confinement a lieu aujourd’hui, ne nous y trompons pas, c’est moins pour la santé des Français que pour ne pas engorger les hôpitaux détruits par les mitterrandiens, les chiraquiens, les sarkozystes, les socialistes, les hollandistes, les macroniens et tous ceux qui, PCF, Verts et autres, se sont associés à ceux-là pour de pures raisons électoralistes - je n’oublie pas non plus Dupont-Aignan, qui, entre postes et mandats au RPR et à l’UMP, fut vingt ans l’associé de ces gens, tout comme le patron de l’actuelle France Insoumise Jean-Luc Mélenchon. Ils sont tous, j’écris bien : tous, responsables de l’état de délabrement dans lequel se trouve la santé publique, l’hôpital - à quoi il faudrait ajouter : l’éducation nationale, la police nationale, la gendarmerie nationale, la défense nationale puisque "la nation c’est le nationalisme et que le nationalisme c’est la guerre" répètent en chœur les crétins qui emboitent le pas à Mitterrand qui, du haut de sa francisque, avait débité cette fieffée stupidité devenue premier article du catéchisme maastrichtien… »
Bref, les orientations restent les mêmes et le PLFSS 2021 ne trahit pas la tradition depuis 24 ans. C’est un projet qui transcrit les GOPE (Grandes orientations de politique économique) de l’Union européenne. Pour mémoire des « recommandations » personnalisées sont publiées chaque année afin que chaque pays agisse dans des délais fixés en faveur de la mise en œuvre des orientations de l’Union européenne.
Ceci concerne tous les domaines et la petite musique est toujours la même : maîtrise des dépenses sociales, contrôle du pouvoir d'achat des salariés, préservation des profits des multinationales et soumission de l'Etat à la stratégie des grands monopoles transnationaux financiarisés.
Les principales mesures du PLFSS 2021
- Le total des dépenses s'élève à 551 milliards € en 2021 et les recettes à 525 milliards €, soit un "déficit" de 26 milliards €. Le fameux "trou" de la Sécurité sociale dont on nous rebat les oreilles est largement préfabriqué depuis des lustres. Si les employeurs payaient leurs dettes et les cotisations pour tous les emplois, si le chômage était résorbé et si les cadeaux faits d’année en année au patronat (exonération des charges sociales) étaient supprimés, les comptes seraient en excédent ! A quand par exemple le remboursement des 40 milliards € indûment touchés grâce au CICE (Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi) qui n'a engendré pratiquement aucun emploi ?
- L’ONDAM (Objectif national des dépenses d'Assurances maladie) est fixé à 215 milliards € (dépenses de santé des établissements de santé et de la médecine de ville).
- Les financements des "accords" du Ségur de la santé (5,8 milliards €), les mesures prises du fait de la première crise sanitaire Covid-19, pour 4,3 milliards €, et le plan « Ma Santé 2022 » adopté en 2019 sont intégrés.
- Une "cinquième branche", dite Autonomie, est créée, gérée par la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie). Elle sera financée par la CSG, donc par l’impôt, pour un montant de 5,8 milliards €.
- Les hôpitaux sont encouragés à créer un "hébergement non médicalisé" en amont et en aval de l'hospitalisation. Il s’agit en réalité "d'hôtels de soins" post-hospitaliers, privés, destinés à faire baisser les durées moyennes de séjour en hôpital et ainsi d’en réduire les dépenses. C'est la continuation de la politique de réduction des capacités poursuivie depuis plus de 30 ans sous prétexte de "virage ambulatoire". 68 000 lits ont ainsi été liquidés depuis 1990 et Emmanuel Macron en a supprimé 4000 en 2018 et 3500 en 2019 !
Si le gouvernement fait grand bruit de l'allongement à 28 jours du congé de paternité, ainsi que de la prime aux personnels des SAAD (Services d'aide et d'accompagnement à domicile des personnes âgées et handicapées) pour un montant de 80 millions € (avec contribution des départements à la même hauteur), il passe sous silence le nouveau "forfait patient urgences" de 18 €. Les patients se présentant aux urgences qui ne seront pas hospitalisés devront en effet régler ce forfait (FPU) censé les décourager de se rendre dans les services d’urgences.
Le gouvernement fait aussi grand bruit de l'ASI (Allocation supplémentaire d'invalidité), portée à 800 € par mois mais il reste très discret sur la prolongation de la dette sociale pendant 13 ans ! Les contribuables payeront donc par l'intermédiaire de la CRDS (Contribution pour le remboursement de la dette sociale), le financement de la CADES (Caisse d'amortissement de la dette sociale).
Au final, malgré la crise économique et la crise sociale avec l’augmentation du chômage et de la pauvreté, malgré la crise sanitaire avec plus de 40 000 morts, le PLFSS 2021 n'est pas à la hauteur de la situation. Au lieu de créer des lits supplémentaires d’hospitalisation et notamment des lits de réanimation, de décréter un plan d'urgence de formation des personnels médicaux et infirmiers pour faire face à la pandémie, la même politique d’affaiblissement de la protection sociale continue…
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