Ne cherchez pas leur trace dans les livres d'histoire du sport. Vous ne trouverez rien sur eux. Et pourtant, sans eux, beaucoup des exploits relatés dans ces livres n’auraient sans doute jamais existé. Eux, ce sont les bénévoles du sport.
Ces bénévoles, on les retrouve dans l’encadrement de tous les clubs sportifs. Ils sont là pour emmener les gosses sur les terrains de compétition le week-end, ils sont là le mercredi pour l’entraînement. Ils sont encore là pour gonfler les ballons, tracer les terrains, laver les maillots, les vestiaires. Ce sont eux encore qui doivent gérer les mécontentements des parents, aller aux réunions des districts, remplir des demandes de subventions, se dépatouiller avec une paperasse toujours plus importante, tenter de convaincre des parents de prendre une licence de dirigeant pour venir donner un coup de main, tenir la buvette et faire les sandwiches lors du loto, du tournoi ou de la soirée organisée pour renflouer les caisses. Ce sont eux aussi qui doivent encaisser les remarques de ceux qui, sous prétexte d’avoir payé une cotisation, estiment que tout leur est dû, en oubliant que ces bénévoles leur consacrent une grande partie de leur vie, souvent aux dépens de leur propre univers familial. Parce que leur vie, c’est aussi notre passion.
En écrivant ce post, je repense bien évidemment à ceux qui m’ont donné goût au sport quand j’étais gamin (à droite Madame Demissy et en dessous, "Bébert" (Albert Morlet) à droite et James Remy (super tireur de coup franc... c'était mon idole), à gauche ... oui oui je suis sur les deux photos). Je repense à Bébert, président, entraîneur et plein d’autres choses. Durant près de vingt ans, il fut mon entraîneur dans mon petit club de foot de la Renaissance d'Athis, en Champagne, un petit village de 600 habitants à l'époque où le foot était alors pratiquement le seul sport proposé. Un bénévole comme il en existe des milliers dans tous les clubs, et dans tous les sports. Un bénévole qui ne comptait pas ses heures passées sur les terrains pour nous encadrer. Le samedi après-midi avec les poussins, le dimanche matin avec les cadets et pour finir, le dimanche après-midi avec les seniors. Et quand un parent faisait faux bond et qu’il manquait une voiture pour nous emmener à l'autre bout du département, il lui arrivait même de faire plusieurs allers-retours avec sa vieille Ami 8. Pourquoi ? Pour rien. Parce le foot c'était sa vie. Ou plutôt, sa vie, c'était le foot. C'était nous et notre passion.Nous sommes beaucoup à avoir grandi avec lui, avec tous ces bénévoles. A d'abord les avoir craints quand nous étions gamins, à les avoir ensuite envoyés balader quand nous étions à peine plus vieux et que nous nous prenions un peu trop tôt pour des "grands". Et puis, au fil des ans, nous les avons peut-être même oubliés. Ainsi va la vie... Jusqu’à ce qu’un coup de téléphone nous apprenne un jour leur disparition et fasse réapparaître tellement de souvenirs d’enfance. Ces bénévoles ce sont aussi les organisateurs d’événements sportifs. Si pour les grandes manifestations, des sociétés spécialisées dans l’événementiel arrivent souvent à renfort de grands moyens, la grande majorité des événements sont mis en place par des bénévoles qui consacrent une grande part de leur temps libre (parfois même la totalité) à nous concocter des épreuves « aux petits oignons ». Il y a quelques années maintenant, dans une de mes chroniques sur lequipe.fr, j’avais interrogé quelques-uns de ces organisateurs. A la question « pourquoi donc se donner tant de peine ? », voilà ce que certains m’avaient répondu. « En voilà une bonne question…, s’interrogeait Marc Noury pour l’Ultra Indoor Normand, près d’Evreux, un 48h indoor sur piste de 150 m (oui oui ça existe). Parfois le matin au réveil, je me demande ce que je suis venu faire dans cette galère. Et puis une heure après, c’est reparti. » « L’avantage de travailler en équipe, c’est qu’il y a toujours quelqu’un pour vous rebooster, ajoutait Philippe Barrière à la tête de La Pastourelle, un trail de 32km et une course VTT autour de Salers, dans le Cantal. Ma joie, c’est de faire découvrir un département, une région avec sa gastronomie, ses traditions. Le plaisir, ce sont aussi toutes les rencontres, les liens d’amitiés créés avec les coureurs et d’autres organisateurs. Mais à l’arrivée, notre plus grande satisfaction, c’est le plaisir des coureurs. » Pour ces courses, il y a aussi tous ceux qui répondent inlassablement à chaque demande, chaque année, quand ils sont sollicités pour aller faire la circulation à un croisement, tenir un ravito au fin fond de la pampa en pleine nuit, distribuer des dossards, tenir la buvette ou encore préparer un sentier. Malmenés par des automobilistes agacés de devoir attendre quelques minutes, parfois trempés ou frigorifiés… Et tout ça pour un tee-shirt, un ticket repas pour un sandwich et un paquet de chips, quelques trop rares mercis de coureurs souvent ingrats. En cette fin de semaine, le CNOSF (Comité National Olympique et Sportif Français) a communiqué le résultat d’une enquête menée auprès d’un peu plus de 44000 clubs. 74% d’entre eux déclarent en moyenne une perte de 26% de licenciés en raison de l’épidémie. Au-delà de la perte de cotisations, 78 % des clubs confirment avoir enregistré une perte économique sur d’autres secteurs tels que la baisse de ressources liées au partenariat et au mécénat, la réduction voire la suppression totale de revenus de billetterie ainsi que la diminution de subventions… Sur un échantillon représentatif de 36 000 clubs, on constate déjà un déficit de recettes d'un montant de 376 millions d’euros, dont 260 millions de pertes de cotisations et 116 millions de pertes "autres" (subventions, partenariats, billetterie…), avant la prise en compte d'autres pertes plus spécifiques.
Prions pour que ces « autres pertes spécifiques » n’englobent pas une grande partie de tous ces bénévoles, dirigeants, organisateurs etc. Bien sûr, il y aura toujours dans tous les villages du monde des passionnés pour aller s’occuper des gamins. Des papas, des mamans, des oncles pour laver les maillots, nettoyer les vestiaires, tenir les buvettes, mais aussi pour féliciter et applaudir après les victoires ou trouver les mots qui consolent et sécher les larmes après les défaites. Mais pourvu que toutes les annulations de ces derniers mois n’aient pas éteint leur flamme. Et n’oublions jamais que, contrairement à ce que les mesures prises actuellement pourraient facilement laisser croire, et l'absence totale de considération du monde sportif amateur, eux sont essentiels !