Ces trois arrondissements se sont transformés en véritables champs de batailles entre militaires et séparatistes anglophones.
Les habitants continuent de mourir et demandent à l’Etat de trouver les mesures d’urgence pour les protéger en respect des lois. Mai 2020. Les combattants séparatistes anglophones sortent des forêts et abattent cinq personnes à bout portant à Balikumbat, village situé dans le département de Ngo-Kentunjia dans la région du Nord-Ouest. La veille, dans le cadre de la résolution de la crise anglophone, l’Etat avait décidé lors d’une concertation à Yaoundé de retirer tous les éléments du Bataillon d’intervention rapide (Bir) en zone anglophone. Ce retrait était exigé par la milice anglophone pour cesser les affrontements. « C’est la décision de l’Etat et personne ne peut la contester.
En faisant partir les soldats des villages anglophones, la sécurité des populations n’est plus assurée, et il y a des risques qu’on enregistre davantage de décès », regrette Wasum Augustine Lehdohga, le maire de Balikumbat. Le 05 novembre 2020, le cardinal Christian Tumi est enlevé par un groupe de sécessionnistes ambazoniens dans le village Babessi, autre arrondissement de Ngo-Kentunjia. Il sera relâché quelques jours plus tard suite aux négociations avec le gouvernement.
A Ndop, chef-lieu du département et lieu de résidence du préfet, les accrochages entre l’armée et les séparatistes anglophones sont récurrents.
Conséquence, le village s’est transformé en un champ de ruines : maisons brulées, installations électriques détruites, systèmes d’eaux vandalisés, marchés, supermarchés et magasins détruits et incendiés, écoles fermées. La plupart des habitants ont fui les atrocités, mais quelques agriculteurs sont restés pour sauver les récoltes.
Payer pour vivre
Les habitants qui ont décidé de rester dans les villages vivent un véritable calvaire. Les groupes armés imposent leurs lois, et vous devez les respecter si vous tenez à la vie. Ils passent dans chaque maison percevoir des impôts : le chef de famille paye 5000 Fcfa, la femme 3000 Fcfa et chaque enfant 1000 Fcfa. En cas de décès d’un proche, si vous voulez avoir l’autorisation d’enterrer votre défunt dans votre village, vous devez payer aux combattants anglophones la somme d’un million de Fcfa. Au cas contraire ils ouvriront le feu sur vous dès que vous vous approcherez du village. Les mêmes règles s’appliquent aux récoltes pour les agriculteurs. Ils doivent reverser 2% de leurs récoltes pour que les insurgés les laissent aller tranquillement aux champs. A cela s’ajoute la journée de lundi, décrétée « journée ville-morte » dans toutes les zones anglophones. Une mesure suivie à la lettre, même par l’administration du pays.
Les habitants veulent l’aide de l’Etat
Traumatisés par le rythme de vie que leur imposent les séparatistes, les habitants exigent plus de sécurité. « Ça tire dans tous les sens et tous les jours. Beaucoup de gendarmes sont tués dans les combats. Moi j’aurais bien voulu partir, mais je dois suivre ma production de 10 hectares de bananes que je cultive à Ndop. Mes enfants sont allés vivre à Foumbot dans la région de l’ouest avec mon épouse. Moi je suis là pour contrôler les récoltes », explique John, agriculteur de quarante ans, rencontré sur la place des fêtes lors d’une conférence organisée par le préfet de Ndop. Les autres habitants indiquent qu’ils ont été obligés d’acheter des armes pour se défendre, mais le niveau de violence est encore très élevé. « Le préfet nous demande de résister mais nous allons faire comment ? Lui, il est bien gardé. Mais cela n’a pas empêché les combattants anglophones d’aller brûler sa maison au village. Personne n’est à l’abri », conclut un paysan.
Appliquer les lois internationales
Selon le pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l’Etat du Cameroun, en période de conflit l’Etat a le devoir de protéger les populations. L’article 9 reconnaît et protège à la fois la liberté de la personne et la sécurité de la personne. L’article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’homme dispose que tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. Il s’agit là du premier droit fondamental inscrit dans la Déclaration universelle, d’où la très grande importance de l’article 9 du Pacte tant pour les individus que pour la société dans son ensemble. La sécurité de la personne vise la protection contre les atteintes corporelles et psychologiques. Des dispositions qui doivent être respectés par l’Etat pour sauver les populations.