Un « tabou » a été brisé, hier, à Genève, selon l’expression du quotidien réformateur iranien Etemad, avec la présence d’un représentant américain, William Burns, aux négociations sur le dossier nucléaire iranien. Les Américains, qui ont rompu leurs relations diplomatiques avec Téhéran en 1980, avaient toujours exigé la suspension de ses activités d’enrichissement d’uranium – soupçonnées d’alimenter un programme nucléaire militaire – avant d’accepter de participer à des discussions multilatérales avec l’Iran.
Une rencontre inédite, donc, mais sans véritable percée immédiate. A l'issue de près de six heures de discussions avec Saïd Jalili, le négociateur iranien en charge du dossier nucléaire, Javier Solana a reconnu ne pas avoir « obtenu de réponse claire » à l’offre faite, il y a cinq semaines, par les 6 puissances mondiales (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne, Allemagne), afin de mettre un terme à la crise liée au dossier nucléaire iranien. Cette offre propose une série de mesures incitatives de coopération dans différents domaines en échange d’une suspension du programme iranien.
« Nous n’avons reçu ni un « oui » ni un « non » », précise le diplomate en chef de l’Union européenne, dans un communiqué envoyé à la presse, en ajoutant qu’il espérait recevoir une réponse dans les deux semaines qui viennent.
A Téhéran, les observateurs avisés regrettent que l’Amérique n’ait pas fait ce geste plus tôt. « A l’époque de Khatami, il aurait été plus facile de développer un dialogue constructif », souligne l’un d’entre eux. Saïd Jalili, réputé proche du Président Ahmadinejad, élu en 2005, est souvent décrit comme un spécialiste de monologues idéologiques, dont William Burns n’a pas été épargné.
« Williams Burns était clair, précis, constructif. Il a évoqué l’engagement américain à un accord négocié. Mais Jalili n’a pas répondu spécifiquement à ses déclarations. Il n’a fait que répéter les commentaires génériques auxquels nous sommes habitués », confie un proche de Solana. Mais, c’est bien connu, la décision finale ne se trouve pas entre les mains de Jalili. Elle est prise à un niveau supérieur, dans les cercles qui gravitent autour du guide suprême.
En fait, d’après l’analyste iranien, Saeed Leylaz, le fond du problème se trouve ailleurs. Selon lui, il sera difficile de trouver une issue à la crise sans certaines garanties attendues de la part des Américains. « Pour Téhéran, le problème principal, ce sont les garanties sécuritaires, permettant de balayer le risque d’une attaque américaine. Et puis, il y a d’autres sujets qui sont importants pour les Iraniens : la levée des sanctions américaines, et le déblocage des avoirs iraniens gelés par les Américains après la révolution de 1979 ».
La rencontre d’hier reste néanmoins symboliquement importante, aux yeux de certains diplomates occidentaux en poste à Téhéran, qui y voient le maintien d’une fenêtre de dialogue, indispensable pour éviter le pire, c’est-à-dire une attaque américaine… ou israélienne. « Aujourd’hui, ce qu’on peut espérer de mieux, c’est d’éviter que la situation ne se détériore », confie l’un d’entre eux sous couvert de l’anonymat. « Traiter avec l’Iran, dit-il, c’est comme traiter avec un homme qui rôde autour d’une école de filles pour les embêter. Soit vous le castrez, soit vous vous assurez de le garder sous observation rapprochée. C’est la deuxième option qui reste aujourd’hui la plus raisonnable ».