L’armagnac a longtemps traîné une réputation d’alcool du dimanche. Il n’était guère plus qu’un « petit dijo » qu’on dégustait avec les grands-parents, marquant d’un point final le repas familial. Enfin ça, c’était avant. Car depuis quelques mois, l’armagnac fait un retour en force, jusqu’à devenir la star des meilleurs bars à cocktails. Ce come-back est le fruit du travail acharné d’une nouvelle génération de producteurs talentueux. C’est notamment le cas de Cyril et Julie Laudet, propriétaires du Domaine de Laballe.
L’armagnac, doyenne des eaux-de-vie françaises
Avant toute chose, dépoussiérons nos vieux grimoires. Les plus jeunes d’entre vous ne considèrent probablement pas l’armagnac comme un spiritueux populaire. Pourtant, l’armagnac fait partie – avec le cognac – des plus prestigieuses eaux-de-vie françaises. Historiquement, elle en est même la doyenne.
Des premiers écrits décrivent l’armagnac à partir de 1310. Plus précisément, un ouvrage médical le prescrit comme un remède, capable de soigner une quarantaine de maux ! Pêle-mêle, il est recommandé contre la migraine, la timidité ou encore la tristesse… L’armagnac fut donc élaboré à des fins thérapeutiques. Les moines d’Eauze et de Saint-Mont, dans le Gers, en sont les créateurs.
Pendant des siècles, l’armagnac connaît un succès fou, en France comme à l’étranger. Les Hollandais, par exemple, raffolent de cet alcool. Ils viennent s’approvisionner à Bayonne et l’exportent jusque dans l’Europe de l’Est. Cependant, un évènement malheureux vient stopper l’expansion de l’armagnac, mais aussi du cognac : l’arrivée du puceron phylloxéra.
À la fin du XIXe siècle, alors que l’armagnac se vend jusqu’aux États-Unis, le phylloxéra ravage les cépages du sud-ouest. Seul un quart des 100 000 hectares de Folle-Blanche, la variété à la base de l’armagnac, réussiront à subsister. Peu à peu, les eaux-de-vie françaises sont supplantées par d’autres distillats venus d’ailleurs, le whisky et le rhum.
Un savoir-faire unique, récompensé d’une AOC
Alors que les ventes déclinent, l’armagnac obtient en 1936 une appellation d’origine contrôlée, dans le but d’encadrer ses conditions de fabrication. Une zone de production unique est désignée : elle se situe sur trois départements, le Gers, les Landes et le Lot-et-Garonne. Celle-ci est elle-même divisée en trois terroirs, le Bas-Armagnac, le Haut-Armagnac et l’Armagnac-Ténarèze.
Cette AOC vient récompenser un respect des traditions qui remontent à plusieurs siècles. Ainsi, la vinification du raisin est toujours fidèle aux méthodes ancestrales. Selon le cahier des charges, le vin doit être gardé sur lies fines, afin qu’il développe ses arômes. L’ajout de sucre (la chaptalisation) ou de sulfites lors de la fermentation sont également proscrits, pour ne pas dénaturer l’eau-de-vie.
La distillation s’effectue traditionnellement sur le domaine. Les petits producteurs peuvent faire appel à des alambics ambulants, qui se déplacent de propriété en propriété. Aujourd’hui, la distillation est également réalisable auprès d’un bouilleur de profession, ou d’une cave coopérative.
S’en suit un long processus de vieillissement en fûts de chêne. Comme pour le cognac, les armagnacs sont classés en plusieurs catégories, selon les années passées en fûts. Le VS ne passe qu’un an en barrique, alors que le VSOP s’affine pendant quatre ans. Les appellations XO, Napoléon et les « hors d’âge » consacrent les armagnacs vieillis de six à dix ans. Au-delà de cette durée, ils sont millésimés, l’année apparaissant sur l’étiquette.
Le renouveau de l’armagnac
Depuis quelques mois, voire quelques années, les consommateurs se (re)découvrent une passion pour les produits artisanaux. Ils recherchent local, rétro et authentique. Bref la tendance du made in France est à son apogée. En tant que pur produit du terroir, l’armagnac n’échappe pas à ce succès.
D’autant plus que les bars à cocktails les plus renommés piochent allègrement dans cette volonté de consommer Français. Hier, les vermouths et amers à l’ancienne, comme la Suze ou la Chartreuse tenaient le devant de la scène. Aujourd’hui, l’armagnac est la nouvelle star des cocktails. Non seulement les bartenders bénéficient d’un produit haut de gamme, mais ils ont toute la latitude pour créer un panel de nouveaux mélanges. En effet, il n’existe pas un seul cocktail classique à base d’armagnac. Tout reste donc à écrire.
L’armagnac ne profite pas de cet engouement par hasard. Derrière, une nouvelle génération de producteurs travaille d’arrache-pied pour redonner à l’eau-de-vie ses lettres de noblesse. Cela se traduit par une approche commerciale plus moderne, axée vers une clientèle plus jeune. C’est le cas avec le Domaine de Laballe, célèbre producteur d’armagnac des Landes. La distillerie a réussi un joli coup marketing en lançant une collection de sweats « Armagnac is back ! ». Créée en partenariat avec la marque 64, la gamme se vend comme des petits pains.
Le Domaine de Laballe, entre tradition et modernité
Entre le Domaine de Laballe et l’armagnac, l’histoire dure depuis 1820. Pourtant, la longue crise traversée par la profession eut raison des générations précédentes. Peu à peu, la production fut délaissée, remplacée par du vin. Cyril et Julie Laudet, propriétaires depuis 2007 et huitième génération à reprendre le flambeau, ont dû cravacher pour relancer la marque.
En s’attelant minutieusement aux notions de terroir, de cépage ou de millésime, la distillerie a brillamment relancé sa production d’armagnac. L’une de ses cuvées porte d’ailleurs le nom de « Résistance », en hommage à tous les exploitants qui se battent pour continuer d’exister.
Situé dans le Bas Armagnac, le domaine repose sur 23 hectares de sols sableux. Les fameux « sables fauves » du bassin aquitain sont caractérisés par une importante présence d’oxyde de fer. Les vignes s’en nourrissent, apportant subtilité et rondeur aux armagnacs.
Le Domaine de Laballe est resté fidèle à ses traditions. L’alambic en cuivre est le même depuis 1923, toujours chauffé au bois et alimenté manuellement. Cela implique une grande variation de température pendant la distillation, donnant à l’armagnac caractère et authenticité.
Autre gage de qualité : l’armagnac est uniquement embouteillé sur commande. En attendant, il vieillit tranquillement en fût de chêne pédonculé artisanal. L’armagnac ne s’affinant qu’en barrique, vous avez l’assurance de profiter du vieillissement le plus long possible.
Deux cuvées estampillées Laballe, récemment sorties du domaine, donnent l’occasion de vous initier à cet alcool noble. Nous avons eu le privilège de les déguster.
« Eau-de-vie » (43 %), une Blanche d’Armagnac toute en finesse
Eau-de-vie offre un véritable voyage dans le temps, aux origines de l’armagnac. D’une part, la méthode de fabrication interpelle : l’eau-de-vie est translucide, sans vieillissement en fût. Celle-ci bénéficie depuis 2005 d’une AOC, la Blanche d’Armagnac. Le Domaine de Laballe fait ici un clin d’œil à l’eau-de-vie produite au Moyen-Âge, qui servait de remède médical.
D’autre part, Eau-de-vie est produite à base de Folle Blanche, le cépage le plus ancien d’Armagnac. Celui-ci qui dominait la plupart des vignobles avant l’arrivée du phylloxéra, à la fin du XIXe siècle. Sa culture fut abandonnée, jugée trop fragile et peu rentable. Néanmoins, le Domaine de Laballe a replanté 1 hectare de Folle Blanche en 2017, en cours de conversion biologique. Vos papilles gustatives sont donc au plus près du goût originel de l’armagnac, marqué par une extrême finesse et un nez parfumé.
Ce retour aux sources a finalement quelque chose de très moderne. Eau-de-vie est à mille lieues des vieux clichés qui collent encore à la peau de l’armagnac. Douce et florale, elle s’apprécie en apéritif, et surtout en cocktail. Cette cuvée cible une clientèle avide de découvertes surprenantes et artisanales. C’est pile-poil le créneau dans lequel s’est engouffré le monde du bartending, pour notre plus grand bonheur.
Surprenez-vous à la déguster accompagnée d’un saumon fumé, ou ajoutez-y simplement une dose de tonic, pour un apéritif rafraîchissant. Bien entendu, l’apprécier seule reste la meilleure façon d’en apprécier la subtilité.
- Tarif : 45 € TTC la bouteille de 70 cl
- Disponible chez les cavistes et sur la boutique en ligne www.boutique.laballe.fr
Exode XIV (43 %), un Bas Armagnac dans la plus pure tradition
Chaque centilitre d’armagnac résulte d’un savoir-faire transmis au fil des siècles. Cet héritage, le Domaine de Laballe souhaite le partager avec Exode XIV. La cuvée raconte l’histoire du cépage de l’Ugni Blanc (dont elle est issue à 100%), originaire d’Italie, mais désormais très présent dans le Sud-Ouest.
Pour l’anecdote, c’est le Pape Clément V qui amena le cépage depuis Rome. Ce dernier, fragilisé dans la capitale italienne, exila le pontificat au Palais d’Avignon au XIVe siècle. Les six Papes suivants achevèrent d’implanter l’Ugni Blanc dans le Sud-Est tout d’abord, puis dans l’Ouest. Les distillateurs l’adoptèrent rapidement, sa résistance aux aléas de la nature et sa maturité tardive garantissant une eau-de-vie fine et de grande qualité.
Issu d’un assemblage de trois millésimes (2014, 2015, 2017), Exode XIV a la fraîcheur d’un jeune armagnac à laquelle s’ajoutent des notes d’agrumes et de pâte d’amandes.
Élégant et tout en rondeur, Exode XIV est une porte d’entrée idéale pour apprendre à déguster l’Armagnac.
- Tarif : 40 € TTC la bouteille de 70 cl
- Disponible chez les cavistes et sur la boutique en ligne www.boutique.laballe.fr
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