Dans ce village situé à la frontière du Nigeria totalement occupé par les Bororos, il n’y a pas d’hôpital, pas d’eau potable, ni d’électricité.
Les femmes enceintes et les malades doivent parcourir plus de 90 km pour se rendre dans le centre de santé le plus proche. Le village WouroYobi est situé à 10 km du Nigeria dans l’arrondissement de Mayo Darlé, région de l’Adamaoua. On traverse à pied pour se rendre dans l’Etat de Enugu au Nigeria. Les véhicules qui circulent ici portent d’ailleurs l’immatriculation de Enugu. Le village est peuplé de Bororos qui ont traversé la frontière à pied pour se retrouver ici. Ils constituent plus de 50% de la population de l’arrondissement de Mayo-Darlé, département de Mayo-Banyo centre. Ce dimanche 8 Novembre 2020, Arida, une femme bororo, la quarantaine et enceinte de plus de 6 mois, traîne le pas sous un soleil torride en plein centre du village. Elle tient son ventre de ses deux mains comme pour supporter le poids du bébé. Elle attend impatiemment qu’une moto taxi vienne la chercher pour la conduire au centre de santé médical de Mayo Darle, situé à plus de 90 km du village, le seul hôpital de l’arrondissement.
Après plus d’une heure d’attente et très affaiblie, Arida trouve enfin une moto. Elle grimpe difficilement sur l’engin et s’accroche au conducteur de ses deux mains. « Depuis plusieurs mois je ne suis pas allée à l’hôpital pour faire des visites pour le bébé. Je sens des douleurs atroces. Je dois absolument rencontrer le médecin », se plaint-elle. Sur une route non bitumée et poussiéreuse, la jeune femme doit s’accrocher sur une moto qui roule à vive allure et supporter les secousses. Le voyage peut durer jusqu’à 90 minutes, C’est le calvaire que rencontrent toutes les autres femmes enceintes dans ce village de plus de mille âmes. L’hôpital public de Mayo Darle où se rendent ces femmes n’a même pas de médecin gynécologue. De simples infirmiers font les premiers soins, incapables d’intervenir en cas de complication.
Un hôpital à Wouro Yobi
Aliou Mohamadou, chef du village de Wouro-Yobi ne cache pas son inquiétude. « Nous avons déjà demandé à plusieurs reprises aux autorités de nous ouvrir un hôpital mais nous ne sommes pas écoutés. Nous sommes obligés d’utiliser les herbes médicinales pour soigner nos femmes enceintes et de les faire accoucher à la maison », regrette-t-il. La maire de Mayo-Darlé Dadda Fadimatou, que nous avons rencontrée, affirme qu’un projet a été étudié. « Pour l’année prochaine, nous avons demandé la construction d’un hôpital dans ce village. Reste à savoir si le Feicom va le valider », explique la maire. Le sous-préfet, quant à lui, indique qu’il est très préoccupé par cette situation, et qu’il a déjà fait des correspondances à l’Etat pour décrire la situation. « Il faut attendre », précise-t-il.
Pour le bien être des Bororos
Pour plaider cette cause, les différents intervenants dans cette affaire de construction d’un hôpital auraient tout intérêt à invoquer le pacte international sur les droits civils et politiques dans le cadre de la santé. Ce texte oblige les pays signataires à venir en assistance aux peuples qui souffrent de graves négligences. Ils pourraient mettre également en avant le pacte international relatif aux droits économiques, culturels et sociaux signé par le Cameroun. Ce texte stipule que chacun a droit à un niveau de vie suffisant pour lui-même et sa famille, y compris une nourriture, un logement et des vêtements décents. Ce qui est loin d’être le cas pour les éleveurs bororos du Cameroun.