Scène inédite mardi dernier au sein du prétoire. Une vive tension est née entre les avocats et les magistrats suite à la comparution de deux avocats prévenus devant la barre.
Un capharnaüm avec l’entrée en scène des Forces de maintien de l’ordre(Fmo). Sur des images qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux, le spectacle d’une salle désertée par la justice est affligeant. Dans un environnement surréaliste nimbé de fumée des gaz lacrymogènes, cela peut s’imaginer, les Fmo entrent en scène et distribuent à la pelle aux hommes en robe noire une étrange panacée à leur revendication de liberté pour leurs deux confrères prévenus qui comparaissent devant le juge : la violence contraignante pour libérer le palais de justice. En réalité, dans le box des accusés se trouvent Me Wanto Augustin et Me Messouck Jounko Annie Christelle. Les deux avocats ont été placés en détention provisoire à la prison de New-Bell jeudi dernier. Alors qu’ils comparaissaient devant le juge du Tribunal de Première instance de Bonanjo, leurs confrères sont venus par centaines dans l’espoir que ces derniers recouvrent leur liberté et viennent en toute liberté devant le juge.
Ce dernier, si on se fie à des sources concordantes aurait refusé d’accorder la liberté provisoire aux deux praticiens de droit quand bien même certains de leurs confrères se seraient portés garant pour cette liberté. « Il s’agit d’une situation tout à fait exceptionnelle en son genre de par son caractère de la faute supposée avoir été commise par les avocats prévenus dans cette cause. Il convient de rappeler qu’il est reproché à nos deux confrères, le confrère Wanto et la consœur Jounko d’avoir perçu une somme de 3 millions auprès de leur client en vue de rançonner le juge dans le but d’obtenir une décision favorable. Ils sont également poursuivis pour outrage à magistrat », confie un avocat introduit dans le dossier.
Procédure violée pour juger un avocat ?
Ce qui convient de dire aujourd’hui, des présumés faits reprochés aux avocats en question, puisqu’il s’agit encore de la présomption d’innocence, « sont des faits présumés ou supposés avoir été commis dans l’exercice de leur ministère d’avocat. Ce qui suppose au moins deux choses. Premièrement que ces actes si par extra-ordinaire, ils venaient à être démontrés, que les deux avocats mis en cause ont effectivement commis ces deux fautes professionnelles, dans le sens que s’il est établi plus tard que ces derniers se sont rendus coupables de fait de concussion puisque c’est de cela qu’il s’agit, ils auraient commis une faute professionnelle », reconnaît un autre féru de droit. Dans la foulée, il précise que selon les règlements qui régissent l’activité du Barreau, lorsqu’un avocat commet une faute professionnelle, « saisis d’une procédure d’initiés contre ce dernier, les autorités judiciaires, à savoir le magistrat, le parquet, ont l’obligation de communiquer préalablement ladite dénonciation auprès des organes de l’ordre, en l’occurrence le Bâtonnier ».
Deuxièmement, saisi d’une telle dénonciation ou plainte, le Bâtonnier enclenche la procédure disciplinaire contre les mis en cause qui sont les avocats. « Ce n’est qu’en ce moment-là que la machine répressive tant au niveau de l’ordre (par les organes disciplinaires), qu’au niveau de la justice peut se saisir légalement de ladite procédure », assènent en chœur les avocats. Les femmes et les hommes en robe estiment que dans un cas où des confrères sont mis en cause, où les magistrats conscients du fait qu’il s’agit des avocats dont faisant partie de la chaîne judiciaire, sont mis en cause pour une affaire relevant des actes posés à l’occasion de l’accomplissement de ses tâches, « ils devraient dont saisir les organes de l’ordre préalablement avant toute procédure. Ce qui n’a pas été fait. Nous nous trouvons dans un cas de figure où l’autorité judiciaire, le magistrat, parce que le fait aurait été dénoncé par le juge N°1, du Tpi Bonanjo, s’est précipité à convoquer les confrères sans informer les organes de l’ordre, placés sous mandat de dépôt sans que le Barreau ne soit au courant de l’existence d’une pareille procédure qui relève exclusivement de la compétence de l’ordre que du judiciaire.
Puisqu’il s’agit d’une faute professionnelle éventuelle au cas où il est démontré que ces avocats sont rendus coupables de fait de corruption. Ce qui n’a pas été fait », regrettent-ils. Acteur facultatif de la chaine judiciaire Ces hommes de droit confient par ailleurs que c’est face à cette situation qu’ils se sont réunis « pour dire que le magistrat ne peut continuer à pérenniser dans l’imagerie populaire l’idée selon laque l’avocat est un acteur facultatif de la chaîne judiciaire. Aujourd’hui, il s’agit de cela, il s’agit de revendiquer la place de l’avocat comme un acteur indispensable de la chaîne de justice. Ce que veut à tout prix remettre en cause les magistrats qui devraient en principe être nos partenaires dans le service public de la justice. Voilà de manière ramassée la raison pour laquelle les avocats se sont levés et ont manifesté leur solidarité vis-à-vis de leurs confrères mis en cause parce que cette violation grave du serment de l’avocat ne laisserait aucun avocat indifférent », explicite un avocat désabusé mais déterminé.