L’iconographie de la gaine Scandale (3/3) : Apogée et déclin sous la Cinquième

Publié le 11 novembre 2020 par Albrecht

Tout comme celui de De Gaulle, le règne de la gaine Scandale ne survivra guère à mai 68.

Article précédent : L’iconographie de la gaine Scandale (2/3) : retour au bas…


1959-61 : la période Roger Blonde

Le style, qui se voulait moderne, a aujourd’hui beaucoup vieilli. De cette période assez pauvre, je n’ai retenu que les exemples faisant encore allégeance à la charte graphique rouge/noir/blanc.

Scandale lance La petite Scandale, illustrateur Roger Blonde, 1960 La gaine Scandale, illustrateur anonyme, 1960

La marque tente d’actionner plusieurs leviers : simplification avec un modèle miniature et bon marché, inflation des modèles…

La nouvelle gaine Surélastique 211

…ou fuite en avant technologique dans une élasticité « extraordinaire »…

Elle se passe comme un gant.. et puis elle plaque, Roger Blonde, 1961

…et bien pratique.

Mais on voit bien que le message ronronne et que l’imagerie ne l’aide pas.

Exciting, 1964, illustrateur Roger Blonde, museumhosiery.com

Blonde passera ensuite chez Exciting, non sans emporter quelque chose.


1962-65 : le sursaut avec Pierre Couronne

Pendant quelques années de sursaut, Pierre Couronne va produire un nombre important de publicités pour Scandale. J’ai surtout retenu ses double-pages, spectaculaires explosions de créativité.

La campagne 1962

Tout ce qui touche de près à la femme est signé Scandale
Pierre Couronne, 1962

Le slogan essayé dix ans plus tôt est retravaillé avec une revendication supplémentaire (la lingerie, comprenez le slip) et un verbe significatif : signer. Il nous est donc signifié qu’après la fille en X, c’est maintenant la fille en S qui devient la signature visuelle de la marque.

Une gamme complète de modèles jeunes, élégants , agréables, efficaces Scandale en Lycra : légèreté, finesse, solidité extrême

Pierre Couronne, 1962

L’effet de saturation visuelle produit par le format double page convient bien pout illustrer la multiplication des d’épithètes. Ici, les deux modèles sont de taille égale…

Pierre Couronne, 1962

…mais dans les autres cas leur taille différente et incohérente avec la profondeur crée un effet de collage et de profusion graphique. Les fonds blanc, noir et rouge délimitent les deux modèles.

La campagne 1963

Scandale Ligne Jeune, 1963

L’année suivante, la composition s’enrichit de cadres qui évoquent la bande dessinée, en cohérence avec le nouveau concept : « Ligne jeune ».


L’autre type de composition dispose sur un même fond des modèles de même taille, qui se retrouvent à deux, trois ou même quatre par cadre.


La campagne 1964

Moins inventive, la campagne de l’année suivante exploite le principe même taille, même fond.


La campagne 1965


La gaine sans gêne, c’est Scandale

Mise à part celle-ci, la dernière campagne avec Pierre Couronne ne comporte plus de doubles pages, remplacées par une autre composition très suggestive :

Sous mon nouveau tailleur : Scandale Sous ma nouvelle robe de dîner : Scandale

Sous mon nouveau pantalon : Scandale Sous mon nouveau tailleur : Scandale

Sous ma nouvelle jupe : Scandale Sous ma nouvelle robe de jersey : Scandale

Six femmes apparaissent dans six tenues adaptées à six lieux différents : c’est avec cette apothéose de la femme moderne que se conclue l’apport graphique de la marque Scandale.


1966-68 : le crépuscule d’une réussite éclatante

Dans cette période de déclin, la marque se rallie comme toutes ses concurrentes à la publicité photographique, à deux exceptions près.


1965, hprints.com
Illustrateur Jacques Charmoz

Avec Jacques Charmoz, elle tente un retour à l’épure et à l’efficacité graphique, dans la ligne de ce qui avait si bien réussi avec Gruau et Diaz.


Charmoz, 1966 Lou, 1960, htprints

Pour une fois, avec l’idée du trou de serrure, c’est Scandale qui vient après Lou.


« Scandibas » Rien « Scandibas » Presque rien

1968, illustrateur Kiraz

En 1968, la marque lance ses dernières forces dans une innovation improbable, appuyée sur un brin d’humour. Mais pour les gaines la page est définitivement tournée.



Robert Perrier, industriel lyonnais et inventeur de la gaine Scandale, en 1966

Le 1er juin 1968 se produit à l’usine Occulta-La Gaine Scandale, à la Croix-Rousse, un scandale pour une fois bien réel, et symbolique de la fin d’une époque. Lors d’un piquet de grève, la militante CGT Michèle Sarrola, debout devant la porte de l’usine, les deux mains posées sur le capot, fait barrage à la voiture d’Henri Perrier, directeur des ventes et fils du PDG. Il force le passage et la blesse grièvement, lui fracturant… le bassin !

Le fils sera libéré le jour même, mais l’usine fermera définitivement ses portes avant la fin de l’année.


Les Parisiennes de Kiraz, 1969

L’année suivante, pour sa dernière campagne graphique, la marque s’appuie sur la notoriété des Parisiennes de Kiraz pour promouvoir ses panties

1969 1970 1971

museumhosiery.com

..puis se diversifie dans les collants, avec des publicités désormais uniquement photographiques.

L’époque des grandes campagnes dessinées est terminée pour tous le monde. Et Pierre Couronne, le dessinateur talentueux qui avait trouvé la meilleure traduction graphique du côté sexy de la marque, finit sa carrière dans les livres pour enfant.


De profundis


Parfum « So scandal », 2017, J.P. Gautier