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Pourquoi j’écris ?

Par Kaeru @Kaeru

Pourquoi j’écris ? 

Il y le bruit de la rivière et puis les pieds qui marchent et qui écrasent des feuilles, derrière au loin un moteur, peut-être la route ou une tronçonneuse, enfin, il y a la présence sonore de la forêt avec le pépiement des oiseaux, des petits craquements, la boue, et ce bruit habité rappelle que je ne suis pas seule. Je suis seule à marcher, mais je ne suis pas seule. Déjà parce qu’il y a dans ma main ce bijou de technologie qui s’appelle smartphone avec son GPS. Même si je ne connais pas cette forêt, que je n’ai pas de carte, je sais qu’elle n’est pas très grande, que je ne peux pas vraiment m’y perdre, je peux téléphoner, parler, chatter et en même temps, je suis seule parce lors de ma promenade quotidienne que je tâche d’effectuer par beau temps, depuis que je suis ici. 

Mettre les jambes en mouvement, mettre le corps en mouvement, c’est une autre façon de mettre la tête en mouvement et éveiller cette partie un peu magique qui fait qu’on écrit.

Dimanche matin, j’ai assisté à une réunion, une rencontre informelle sur le web d’un groupe qui s’appelle Écrire à Tokyo et qui a été initiée par deux Français qui habitent à Tokyo, Julien Bielka, qui réside dans la ville depuis 2006 et Lionel Dersot, depuis 1985. En 35 ans il a constaté les évolutions de la perception du Japon, arrivé à une époque où le pays n’était pas du tout à la mode, ni comme il l’a justement dit "un produit marketing". Écrire à Tokyo regroupe des personnes d'horizons différents avec en commun un intérêt pour l’écriture, quel que soit sa forme. Lors de la dernière réunion était présent trois Français de Tokyo dont les deux concierges fidèles, un autre compatriote vivant à Takamatsu, que j’ai eu le plaisir de rencontrer par hasard lors de mon dernier voyage et un Japonais vivant à Paris. Quant à moi, j'ai assisté depuis mon exil belge.

Nous avons discuté du « pourquoi d’écrire ». Ce sujet me touche tellement que j’ai été incapable de prendre la parole. J’ai écouté soigneusement les paroles de chaque participant détaillants leurs motivations et je me suis retrouvées dans certaines, notamment dans celle de Julien « pour ne pas devenir fou ». Dans mon cas, le glissement vers la folie est une de mes plus grandes peurs et l’entendre ainsi énoncée, avec une simplicité abrupte, m’a énormément ému et retournée. Je n’étais pas en état de prendre la parole. 

J’ai beaucoup réfléchi. 

J’écris pour ne pas devenir dingue, pour sortir de moi certaines émotions, parfois, des choses très mesquines et des choses très moches que je n’ai pas envie de conserver ni de cultiver.

Cette écriture prend place dans mon journal. Elle n’est pas destinée à être lu. Je documente aussi de façon factuelle l’épreuve que je traverse depuis la rupture avec mon compagnon, parce que ma mémoire est très défaillante. J’oublie les choses désagréables sauf si sont associées à des épisodes ou j’ai ressenti une vive honte, dans ce cas, je n’arrive pas à m’en débarrasser. C’est marqué au fer rouge dans mon esprit. J’y repense souvent et la honte se double d’une culpabilité terrible et protéiforme : de ne pas avoir su agir correctement, ne pas avoir su dire les choses, ne pas avoir écouté l’autre…

Cette écriture qui n’a pas pour objection d’être divulguée.


Pourtant, de ce travail cathartique, une partie qui atterrit sur mon blog. Ma motivation première reste « ne pas devenir dingue », cependant, des bouts de texte subissent un travail de sublimation. Je peux donc les divulguer. On est dans le deuxième effet kiss cool de la catharsis qui consiste à purifier, et livrer au monde quelque chose de beau, une fois qu’on s’est débarrassé du caca intérieur. À moins qu’il ne s’agisse du stade ultime de la décomposition : de la pourriture qui permet de nourrir des jeunes pousses. Actuellement, mon projet de texte dans le cadre du NaNoWriMo aborde ce thème.


Pourquoi j’écris ?
 

 

L’autre type d’écriture est fictionnelle.

Mes motivations diffèrent pour celle-ci. Cette écriture demande par ailleurs d’être bien, car je dois réfléchir, structurer. Je suis plus architecte que jardinier, même si mon mode d’élaboration devenait de plus en plus chaotique avec l’expérience. J’écris de la fiction pour partager. Pour moi, l’histoire est presque secondaire. Ce que je veux transmettre est plus de l’ordre d’une ambiance et d’émotions.

Un des participants a parlé de son désir de transmission en lien au fait qu’il n’avait pas d’enfant. Dans mon cas, n'en voulant pas, cela ne me dérange pas. Cependant, je pensais finir ma vie avec mon compagnon, ce qui ne sera pas le cas. J'ai aussi ce souhait de transmettre, de laisser quelque chose derrière moi. Même si mon manque de confiance me souffle que déjà, ce n'est pas hyper intéressant, et en plus que la notion de postérité est très narcissique. Je fais ce que je peux, en fonction de mes capacités.

En fait, j'écris, car je n'ai pas le choix. Si je n'écris pas, je vais très très mal. Les périodes sans écriture me transforme en une personne que je n'approuve pas, qui n'est pas agréable et surtout, je n'ai pas de plaisir de vivre.

Pour résumer, j’écris pour ne pas devenir folle, j’écris pour me faire plaisir, j’écris pour transmettre, et peut-être – c’est mon côté mégalo – parce que ce que je n’écris pas moi, personne d’autre ne l’écrira. Même si mes mots ne sont ni originaux ni novateurs, cela reste mes mots, ma singularité. Même si l’intérêt ne dépasse pas celui d’un cercle restreint, j’ai choisi de m’exprimer en public sur mon blog, depuis 2010. Les circonstances actuelles font que j'ai passé en privé ma présence sur les réseaux sociaux. Je souhaitais me soustraire au regard de mon ex-compagnon et pouvoir m’exprimer sans trop d’auto-censure. Cependant, ce retrait est probablement temporaire, j’assume ce que je raconte, même lorsque la qualité n’est pas au rendez-vous, même lorsque mon avis évolue.

Enfin, j’écris aussi probablement pour avoir des retours, pour combler mon grand besoin de reconnaissance, pour avoir ces petits coups de pouce, cette empathie, ce lien avec des parfaits inconnus qui me disent « moi aussi, je te comprends ». Le plus beaucoup compliment que je puisse avoir c’est lorsqu’une personne vient me dire que j’ai exprimé qu’elle ressent et qu'elle-même n'arrivait pas à verbaliser. Ces instants rares balayent les doutes qui surgissent à intervalle trop régulier.
Et vous, pourquoi écrivez-vous ? Ou, pourquoi n’écrivez-vous pas ?
Si le groupe Écrire à Tokyo a piqué votre curiosité, les informations sont disponibles ici :  

https://www.ecrirea.tokyo


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