My neighbours are rock...
Brieg Guerveno 'Bleuniou an distruj' 2012 - 'Ar Bed Kloz' 2014
Jeudi 16 Août 2012, j'ai réservé ma soirée pour assister au concert de Since my Accident sous les Halles à St-Brieuc car leur métal lourd et brillant m'a ébloui dans la semaine sur radio activ'.
J'arrive un peu avant l'heure et me voilà bien marri car j'intercepte juste la fin de la prestation fougueuse de 3 chevelus qui chantent en breton.
Brieg Guerveno semble avoir une personnalité très affirmée car il dénonce sans détours, en guise d'au revoir, le peu d'intérêt des médias bretonnants pour son œuvre pas assez traditionnelle à leur goût.
Ces quelques instants suffisent pour attiser mon intérêt et je saisis chaque occasion pour retourner à ses concerts.
Je me souviens particulièrement du 2 juillet 2015 sur les quais du Légué, accompagnée de ma bretonne, où nous étions 3 pelés et un tondu (pas moi plutôt du style Jackson 'touffe') à apprécier la musique de Brieg.
Entouré de ses potes Xavier Soulabail et Joachim Blanchet, il nous a tout donné jusqu'à plus faim! L'euphorie suffit pour rassasier, ça se passait après la parution de 'Ar bed kloz' et avant l'arrivée de Eric Cervera dont la guitare s'intègrera ensuite avec évidence.
Depuis, mon voisin d'origine briochine, fait un sacré bout de chemin.
En 2016, sort 'Valgori' toujours dans un style folk métal affirmé, cette fois salué par la critique nationale notamment 'Rock hard' aux grandes oreilles ouvertes à toutes les langues.
Puis 2020, la bascule, 'Vel ma vin' ne conserve que le folk dépouillé mais quel folk!
Tous les commentaires se veulent élogieux et les concerts rayonnent d'une lumière incroyable qu'ils soient avec tout l'orchestre ou parfois plus intimes, réduits à quelques musiciens.
Je garde un souvenir particulièrement ému de la soirée 'Diversion' organisée par Bonjour Minuit à la chapelle Lamennais, ma dernière avant confinement.
Plutôt que de choisir cette œuvre récente tellement commentée, je décide de revenir à la période 2013-2014 qui m'a embarqué sur un fier vaisseau breton.
YES chantait 'Nous sommes du soleil', nous, bretons, pouvons prétendre être d'Armor et d'Argoat (littoral ouvert autant qu'intérieur enfermé de bois et de terres).
'Ar Bed Kloz' (un monde fermé) chante Brieg sur sa publication de 2014 que je ne peux séparer de l'EP de 2012 'Bleuniou an distruj' annonciateur de l'album avec un titre en commun (mais interprété très différemment).
Ce 3 titres commence donc par 'Skornet' morceau majeur (repris et réarrangé sur l'album) et joué si souvent sur scène à l'époque.
La musique commence paisiblement à la guitare qui souligne la voix de tête de Brieg et la ballade s'élance tranquillement avec l'arrivée de la basse et de la batterie à l'unisson et sans heurts. J'ai l'impression de parcourir la lande bretonne.
Puis la musique décolle sous les 1ers accords aux sonorités guitare proche du Neil Young électrique. La 1ère moitié du titre séduit par sa beauté jusqu'aux 3mns où des chœurs et un clavier chaud et romantique, comme un verse anthem dans une église, ensorcellent une montée en puissance fascinante.
Soudain la guitare s'alourdit comme la rythmique et la voix de Brieg devient comme possédée, elle appelle, des voix répondent, elle gémit, des fantômes répondent.
Le cri déchire sur une instrumentation douloureuse aux cordes battues et qui semble mener une procession au sacrifice où tout s'arrête dans le néant.
'An emtzig truder' enchaîne une ambiance assez proche par un départ tendu d'emblée sur les cordes de la guitare et la voix plaintive.
Le crescendo se ressent dès la 1'30 avec la frappe lourde et les cymbales éclatantes associées à une basse fondue dans la masse. Je tiens à évoquer ici la rythmique soudée et infaillible des 2 amis de Brieg, Xavier et Joachim.
Un virage en cantique opère à 2'30, d'abord voix et basse posées seules, puis appuyées par une batterie turgescente.
La composition s'installe alors sur un mid tempo qui rappelle les plus belles heures d'Anathema. Un court retour au cantique puis la guitare avance par vagues, le son enfle et prend du volume mais à 7'10, la rupture nous surprend avec l'alternance d'un arpège sobre et de violents tirs de mortier à la batterie puis la marée monte jusqu'à l'étale.
10 mns fabuleuses, un grand moment, une odyssée! L'interprétation sur scène me sidère à chaque fois!
A côté de ces 2 compositions, 'Emgann Kerdidu', reprise de Storlok (1ers rockers bretons), fait office de récréation où les musiciens se laissent aller dans un rock classique mais bien énervé avec une voix qui interpelle par sa solide agressivité .
'Ar bed Kloz' reprend le chemin tracé par les 2 1ers titres de l'EP. La mélodie brille sur un orgue rasant comme un soleil de printemps. Les accords à la guitare et la voix nous promènent sur des terrains boisés.
Basse et batterie se mêlent harmonieusement dans un folk pastoral, pourtant le métal ne plane jamais loin et s'invite par instant mais tout en retenu.
A nouveau, un orgue à riche texture vient ajouter des reflets de soleil et le solo de guitare floydien marque le ciel de son empreinte atmosphérique.
'Al liver' ouvre à la sèche pour un bon riff à l'électrique, malmené par une batterie qui claque. Ce sont les accords à la sèche qui nous emmènent pendant que la voix et les chœurs enchantent.
Un violon apporte une touche comme une brise légère bienvenue et vogue la goélette. Un pont à voix plus sombre avec guitare et violoncelle pousse la porte à la batterie qui déboule et déroule un tapis à la guitare électrique partie dans des méandres et soudain rompue abruptement.
Bahia el Bacha signe ici une belle prestation à l'archet avant de collaborer avec l'artiste plus prolifiquement sur le troublant 'Vel ma vin' de 2020.
'Traon an hent' ici, la guitare électrique développe une ritournelle plus inquiétante qui explose sans avertissement dans un riff métal puissant, bordé d'orgue et soutenu par une frappe de mule et une basse grondante.
Une accalmie à la guitare sèche et une voix plus légère pour quelques secondes se fait dévorer par des roulements de batterie et cymbales crashantes, enluminés par un orgue abondant.
Cette fois le bateau traverse la tempête et casse les rouleaux de vagues, la voix semble supplier les Dieux.
'Dianket' un son presqu'électro de clavier, mixé à la guitare et à la basse, démarre le titre sur les chapeaux de roue. La belle voix s'envole sur une mélodie tendue et enivrante, avide de frissons et d'écume de bout en bout. Un morceau ramassé qui cogne comme un uppercut.
'Skornet' reprise de l'EP précédent surprend par ses sonorités folkisantes en provenance des années 70. Le morceau, plus lent que sa version précédente, avec une rythmique électronique au son synthétique, fait tinter des clochettes et lever des chœurs légers.
L'instrumentation se veut plus dépouillée avec un sombre violoncelle puis un violon qui attirent des envies de sanglots au fond de la gorge. Une belle introduction au futur 'Vel ma vin'.
'Divent' la batterie en roulements et la basse vibrante ouvrent en fanfare cette compo avant l'arrivée d'une guitare discrète et des voix aériennes. Le gratté des cordes ramène à un style cold wave au parfum de Cure.
Le tempo se maintient et l'instrumentation enfle dans une ambiance guillerette. Le morceau quasi instrumental me fait penser à l'arrivée d'un bateau qui accoste dans la lumière de l'aube.
'Den ne oar' 3 couches de sons de guitare différents accueillent une belle mélodie aux accents métal entrecoupés de passages folk à la guitare acoustique. La 1ère partie plus pop celtique me rappelle les nantais d'EV. A moitié de ce long morceau, une envolée très progressive, aux racines 70's (un peu crimsoniennes), mélange, tout en tension, guitare, basse, clavier et batterie galopante avec une voix aérienne, puis c'est le retour à la mélodie principale et métallique.
'Ar spilhenn' - Un début à la guitare acoustique, voix haut perchée et chœurs angéliques encore plus hauts, semble soulever doucement le voile d'une brume matinale aux embruns salés. Le morceau court et aérien, porteur de bien-être, progresse sereinement jusqu'à bon port.
'Bev out atav' un départ dans un doux accord électrique répétitif soutient la voix qui, soudain, se dédouble puis s'envole, parfois accompagnée de Uilleann Pipes aux influences celtiques.
L'orchestration intervient à mi-morceau et amène de l'emphase dans un merveilleux tourbillon où les Uilleann Pipes restent omniprésents.
'Dor 911' - Le duo guitare/accordéon envoûte d'emblée et construit une mélopée mélancolique qui prend aux tripes. A nouveau des variations à mi-morceau assombrissent l'ambiance.
Le ton s'alourdit encore par une complicité triste piano, synthé, mais le titre finit par le retour des quelques notes mélancoliques à la guitare d'introduction.
Soulignons l'art-work très réussi. Sur un fond bleu nuit, se détachent les lettres du nom de l'auteur, couleur or, et du titre, avec une typographie originale, dans les mêmes teintes orangées mais remplis d'ombres chinoises d'arbres aux branches en pleine repousse. La silhouette dorée d'un oiseau s'envole d'un arbre à l'autre, d'une lettre à l'autre. Un tableau très représentatif de cette musique bio-diversifiée.
N'hésitez pas à rentrer dans ce 'monde fermé' tellement ouvert sur la nature et l'humanité!
Et surtout ne manquez pas les prestations scéniques si profondes qui transcendent et transforment des musiciens 'into the wild'!